Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

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quefois, non sans grand étonnement, que son malade est depuis plusieurs années dans l’état où il le trouve. D'autres fois ils se font soigner, en quelque sorte, par Procuration. Un parent, un ami va trouver le médecin et lui dit : « Je souffre dans tel endroit, depuis tel temps ; j'éprouve ceci ou cela : que me conseillez-vous de faire? » Muni d’une ordonnance, le mandataire va retrouver son malade et lui rapporte le résultat de la consultation dont il fait son profit s’il le juge à propos. Un individu est-il pris d’une fièvre plus où moins violente et forcé de s'aliter, de suite les voisins arrivent comme terrifiés : « Me reconnais-tu ? » , lui dit l’un; un autre ajoute sans façon : « Ah ! il va mourir » , Ou bien, « C’est un homme mort » , €t l’on se hâte d'allumer des cierges et d'appeler le Pope pour confesser le prétendu moribond. Il peut ainsi arriver que, dans la même journée, comme nous l'avons vu une fois, un homme, bien portant le matin, s'alite, soit confessé, administré, pleuré, et fasse pourtant très-bonne figure au repas du soir.

Si le Monténégrin subit quelque opération douloureuse, au lieu de crier, ce qui serait une honte, il serre les dents, se frappe le front et la poitrine à grands coups de poing, et se livre à une pantomime telle, que le chirurgien peut se demander s’il n’a pas dans les mains un véritable insensé. Du moins le patient a-t-il suffisamment distrait l'attention, et l'honneur est sauf.

Les blessures de tout genre guérissent chez les Tsernogortses avec une merveilleuse facilité. La fièvre traumatique n'apparaît point; l'érysipèle, la résorption pu-

1 Faut-il attribuer à l'absence de la fièvre de suppuration, heureux apanage de leur nature, le sang-froid et le courage que les Monténégrins conservent à la suite des plus graves blessures, et l'espèce d'indifférence