Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

PREMIÈRE PARTIE. — CHAPITRE II 11

société moderne n’ait bénéficié des découvertes progressives de la science ‘, découvertes que nul rêgime n’entrava plus que cette Révolution dont le plus dévoué représentant proclama qu'elle n'avait pas Lesoin de chimistes, et qui supprima les académies.

La lenteur des transports rendait aussi plus facile le métier d'accapareur qui était par conséquent plus lucratif qu'il ne l’est aujourd'hui, et qui par la force des choses prêtait plus à l'abus. Mais aussi quels efforts ne voyons-nous pas la royauté faire contre ces tripoteurs qui sont de tous les temps et de tous les régimes ? ? La police les traquait constamment. Il suffit de parcourir le second volume du Traité de Police de Delamarre pour se convaincre des préoccupations que ces spéculateurs donnaient aux rois de France. La suite des ordonnances royales sur le commerce des grains ne comprend pas moins de 300 pages grand in-folio, jusqu'en 1710. Quoi qu'on en ait dit depuis, ces ordonnances étaient loin d’être clandestines : elles étaient publiées à son de trompe et affichées dans tous les carrefours. C’est à Louis XIV que Delamarre dédie leur recueil qui ne fut pas vendu sous le manteau. L'opinion publique les approuvait fort et les monopoleurs furent à plusieurs reprises victimes de la justice populaire, plus expéditive et moins bien informée que l'arbitraire royal.

de Londres à Munich en 60 heures; de Londres à Vienne, en passant par Paris, en 119 heures; mais, de plus, on peut ramener 200,000, 500,000 hectolitres de grains de chacun de ces points, et plus même, s’il en existait davantage, en trois fois seulement le temps que met un voyageur sans bagage. On va au Chili en 63 jours, aux États-Unis en 42 jours, dans le Levant en 8 jours. V. Modeste, op. cit., 71, 75, 77.1 faut encore réduire ces chiffres, car il a été fait depuis 1854 une notable économie de temps sur les transports.

1. En 1700, il y avait 64 ares par tête cultivés en céréales ; 60 en 1764 et en 1789 ; 56 en 1813 et 41 en 1854. — En 1789, il y avait 11 millions d'hectares en jachères, soit 60 ares par habitant ; en 1854, il n°y en avait plus que 7 millions, soit 20 ares par tête. .— En 1700 l’hectare rendait 8 hectolitres par are ; 7 en 1750 ; 8 en 1789 et en 1823, et 44 en 14854. Avec l’économie faite sur la semence, la France produit aujourd’hui deux fois plus de céréales qu'avant 1789, environ 405 o/,. Mais comme la population s’est accrue de 74 0/4, l'augmentation par habitant n’est donc que de 38 0/0. Avec la quantité de farine qui, au XVIIIme siècle, rendait 400 en farine blanche, la meunerie obtient aujourd’hui (1854) 459 au moins et quelquefois 180 et même 190. (V. Modeste, op. cit., 55, 56, 58, 61.) Tous ces progrès matériels sont dus aux progrès normaux de l’agriculture et de la chimie ; la révolution n’y est absolument pour rien.

9. C'est Atort que M. Modeste dit (p.47) qu’autrefois, en temps de disette, « la société, lasse, abattue, mourante, était obligée de tout laisser là, administration, sûreté, industrie, commerce, agriculture. » Au contraire, jamais l'administration n’était plus active, la police plus sur ses gardes, l’industrie, le commerce et l’agriculture plus protégés, que pendant les années de disette.