Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

PREMIÈRE PARTIE. — CHAPITRE IN 23

Nous n’entreprendrons pas de refaire ici l'histoire de la disette de 1709, qui fut aggravée par une guerre malheureuse et par le mauvais état des finances. La misère fut très grande, elle fut générale et supportée par tous : mais les malheurs épouvantables, les scènes horribles que l'on prétend avoir été les consèquences du manque de subsistances nous semblent avoir été fort exagérés. Malgré les difficultés considérables en présence desquelles se trouvait l'État pour soulager la misère publique, le mal fut en partie conjuré. Après l'opinion de Voltaire sur les morts de faim, Vappreciation de Fontenelle nous semble particulièrement intéressante à enregistrer : « La chertè étant excessive dans les années 1709 et 1710, le peuple, injuste, parce qu'il souffroit, s'en prenoit en partie à M. d'Argenson, qui cependant tâchoit, par toutes sortes de voies, de remédier à cette calamité. IL y eut quelques émotions qu'il n’eût été ni prudent ni humain de punir trop sévèrement. Le

. magistrat les calma; et par la sagesse qu'il eut de les braver, et

par la confiance que la populace, quoique furieuse, avoit toujours en lui.»

L'institution charitable des greniers du Roi avait produit d'excellents résultats. Aussi l'abbé Fleury conseiïllait-il à Louis, duc de Bourgogne, puis Dauphin, de généraliser ces moyens de secours en établissant dans toutes les villes des magasins où l'on pût serrer les grains dans les années abondantes et les garder pour ja disette. On installa donc partout où le besoin s’en fit sentir des greniers d’'abondance qui, suivant les cas, furent formés par l'administration ow par les corps municipauæ ?, nous dit une critique de l'ouvrage de Necker sur la législation des grains.

Cette organisation, qui existait également à Genève, n'était pas alors jugée défectueuse et ilest curieux d'enregistrer l’'apprécia-

1. Fontenelle. Eloge de d’Argenson. — Voy. aussi P. Clément, op. cit. Vie de d’'Argenson. « Dans les temps de disette, et particuliérement en 1694 et 1709, le riz a supplééchez nous à la cherté du pain. Pendant ces deux années, il en est entré en France pour des sommes immenses. En 1708, le curé de Saint-Roch, à Paris, a nourri les pauvres de sa paroisse avec un riz économique qu'on leur distribuait tous les jours, et dans lequel il entrait des pommes de terre, des navets, des carottes, etc., réduits en bouillie. Précédemment au curé, un intendant de Guyenne avoit employé pour les pauvres une nourriture semblable, dans une disette qu'éprouva cette province, en 4747. C'était un riz fait, en maigre avec du lait, en gras avec un peu de viande ou de graisse.» Le Grand d’Aussy, op. cit., I, 141.

2. Analyse de l'ouvrage intitulé : De la législation et du commerce des grains.

Amsterdam, 4775, p. 22.