Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

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tion d’un économiste-agriculteur anglais. Après avoir indiqué les moyens employés en Angleterre pour éviter la famine, il ajoute : « Les Français, plus sages que nous à cet égard, ont construit des greniers publics pour la conservation du bled dans la plüpart de leurs provinces. Comme ils ont quelquefois d’abondantes récoltes, et souvent des tems d’une grande diselte, ils previennent les inconvénients qui peuvent en résulter, par cette précaution ‘. » Le fonctionnement de ces greniers était certainement défectueux en plusieurs points : ainsi, lorsque les années avaient été bonnes, contre toutes prévisions, dans la crainte de voir les grains s’altérer en les vendait à bas prix, à une époque où il n’était pas nécessaire de diminuer la valeur des céréales, comme cela fut fait en 1684 ; d'autre part, dès que les grains commençaient à s’avarier, le gouvernement s'empressait de les vendre pour ne pas subir de trop grandes pertes, donnant ainsi le mauvais exemple de la mise en vente des céréales altérées ?. Malgré ces inconvénients, l’on ne peut nier cependant que les beds du Roi n’aient été d’un grand soulagement pour les malheureux #,

1. Ph. Miller. Dictionnaire et calendrier des Jardiniers. 8 vol. in-4° plus 2 de supplément. Traduit de l'anglais par L. M. de Chazelles et autres. — Paris, Guillot, et Metz, C. Lamort, 1785-1790. L'idée de faire des réserves de blés pour les années mauvaises n’était certes pas nouvelle : «ll serait aisé de prouver, par vingt citations différentes, que dans tous les temps ils (nos pères) ont caché des blés sous terre. Mais était-ce là une pratique, un usage habituel, ou simplement une précaution passagère, dictée par larcrainte d’un moment? C’est ce qu'on n’oserait décider. Il est certain au moins que, depuis la fin du XVIIe siècle, le hasard a fait trouver, en différents endroits du royaume, des amas de blé considérables, dans des trous et des souterrains dont on n'avait aucune connaissance. Les Mémoires de l'Académie des sciences, année 1708, en nomment plusieurs; et ils ajoutent même que le blé s’y était très bien conservé. Cette méthode était non seulement usitée chez les Barbares, mais encore chez plusieurs peuples anciens. Mais ce qui est surprenant, ajoute l’auteur (0. de Serres), d’après le témoignage de Pline et de Verron, c’est que ces sortes de magasins sont aussi bons qu’ils paraissent devoir l'être peu. (Voyez Thédtre d'agriculture, par Olivier de Serres, I, 163, col. 2.) Enfin, Duhamel (Æléments d'agriculture), ajoute que ces sortes de puits suhsistaient encore de son temps dans la Gascogne et le Vivarais. (Le Grand d’Aussy. Vie privée des Français, I, 35, 37. Edit. 1815.)

2. D’après Mercier, sous le rêgne de Louis XV, « des farines gâtées auroient été distribuées quelquefois de force aux boulangers des faubourgs, parce que l’administration qui avoit fait magasin de farines, quand elles furent endommagées par plusieurs accidens, ne voulut pas perdre ses avances, et força le peuple à manger ce bled pourri.» Tableau de Paris, 143%

3. Francois de Neufchâteau que l’on ne peut suspecter de tendresse pour l’Ancien Régim=, dans une diatribe contre l’ancienne administration des blés, ne peut nier que l’idée des greniers d’ahbondance était bonne. puisqu'il demande leur rétablisse-