Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France
28 î LE PACTE DE FAMINE
procédés de cette compagnie ne furent pas réguliers; les faits mêmes prouvent constamment le contraire. Nous pouvons citer à l'appui de notre affirmation l'opinion d’un écrivain aussi consciencieux qu'érudit, M. P. Clément, celui des auteurs de notre temps qui a étudié le Pacte de famine avec le plus de soin et d'impartialité et qui s’est constamment refusé de croire à l'existence d’un trafic ayant pour but de provoquer la disette dans un but intéressé. Voici comment il s'explique sur la fameuse compagnie : « En 1730, un contrôleur général, qui mériterait d’être plus connu pour le bien qu'il a fait et le mal qu'il a empêché, Philibert Orry, crut devoir autoriser la formation d’une compagnie dont les spéculations devaient avoir pour principal objet l’approvisionnement de la capitale. Un autre contrôleur général .dont j'ai fait connaître les grandes vues, la droïture et l’austérité, Machault d'Arnouville, renouvela le bail passé par Orry. Ses successeurs, de Laverdy et Maynon d'Invau, approuvèrent ces spéculations ; l'abbé Terray en fit autant... Enfin Necker. conserva et maintint, pendant toute la durée de son administration, la compagnie sans laquelle le gouvernement ne croyait pas alors qu’on pût pourvoir à la subsistance de Paris1...» Nous verrons plus loin à quelle époque fut supprimée cette compagnie, et le préjudice qui en résulta pour l'alimentation de la capitale.
Une déclaration, datée de Versailles, du 16 avril 1737, et enregistrée au Parlement de Paris le 10 mai suivant, nous indique l'endroit où l’État enfermait les bleds du Roi : par cette déclaration un grenier contenant au moins dix mille muids? de blés, pour l'approvisionnement de Paris, devait être installé en la maison de la Salpêtrière :.
Pendant les années de disette, l'État ne s’occupait pas seul de soulager les pauvres. C’est encore Voltaire qui vient nous renseigner. Il nous apprend qu’en 1748, « le fermier général Bouret, qui mourut depuis insolvable, après avoir mangé quarantedeux millions, avait fourni du blé à toute une province sans en tirer aucun profit, et s'était contenté d’une médaille que cette province avait voulu faire frapper en son honneur #. »
1 P. Clément, op. cit., 400.
2. Le muid contient douze septiers ; le septier douze boisseaux pesant 20 livres chacun Le poids légal du muid était de 2330 livres.
3. Reg. Parl. Péris. — Peuchet, 165.
4. Voltaire. Edit. Bouchot, XXXIX, 109.