Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

32 LE PACTE DE FAMINE

rité. Le négociant spéculateur ne sy est pas trompé; les enharrements ont êté faits à l'ombre de l’autorite, par des gens soutenus et bravant toutes les défenses ; nous en avons la preuve entre nos mains. Sire, notre devoir est de vous avertir que le royaume est menacé des plus terribles dangers. L'unique remède à son état violent est de punir l’abus, de faire régner les lois, de réprimer la cupidité des monopoleurs où de laisser à vos cours le soin de les poursuivre !. »

En présence d’accusations aussi graves, le ministre Bertin fit la seule chose qu'il y eût à faire, il envoya au Parlement, qui avait des preuves en main et qui demandait /a répression des Mmonopoleurs, des lettres patentes ordonnant « d'informer et de procèder contre ceux qui, de dessein prémédité, auraient causé le renchérissement des grains par quelque manœuvre que ce fût, ainsi que contre ceux qui, méchamment, auraient semè ou accrédite les bruits de ces manœuvres par des propos ou des écrits. » Bertin accompagna l'envoi de ces lettres patentes d’une lettre fort digne dans laquelle il faisait remarquer au Parlement « que ses réflexions n'étaient que des conjectures et des conjectwres peu conformes aw respect du Roi.» Il mettait, pour conclure, le Parlement en demeure de prouver ses accusations. Mis ainsi au pied du mur, le Parlement qui n'avait pas de preuves en main fut contraint d'envoyer une lettre d’excuses : « Quand nous avons dit, expliquait-il, que le monopole existait et qu'il était protègé, à Dieu ne plaise, Sire, que nous eussions en vue Votre Majesté! Mais peut-être quelques uns de ceux à qui vous distribuez votre autorité?. » Le Parlement en fut quitte pour sa honte et le gouvernement se borna à faire arrêter les pamphlétaires qui essayaient de faire passer comme certaines les calomnies accueillies si légèrement par le Parlement.

Ce fut dans ces circonstances que l’on enferma à la Bastille un individu, à moitié fou, auteur et propagateur de ces accusations si oraves : Le Prévôt de Beaumont, dont nous nous réservons d’entretenir longuement le lecteur.

1. A. Floquet. Histoire du Parlement de Normandie, VI, 429. Dans sa lettre du 93 octobre 1768, Bertin annonçait de « notables secours, accordés sur le trésor royal, pour l'approvisionnement de Rouen et des autres villes de Normandie. » VI, 498.

9. A. Floquet, op. cit., VI, 431.