Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

PREMIÈRE PARTIE. — CHAPITRE IV 31

raire ; pourtant quand ce malheur arrivait sous le Roi, on l’attripuait toujours aux machinations du gouvernement‘. »

On avait eu des disettes en 1740, 1741 et 1752, sous le régime prohibitif; on en eut en 1767, 1768, 1769, 1775, 1776, 1778 et 1788, sous le régime de la liberté d'exportation.

Des récoltes particulièrement bonnes en 1765 et 1766, non seulement avaient suffi à la nourriture des habitants, mais encore avaient permis d'exporter des grains, Chaque année, pour plus de quinze millions de francs. Bientôt aux bonnes récoltes succèdent les mauvaises, et, en 1767, des troubles graves éclatent dans les provinces. Le peuple crie aux accapareurs et l'administration s’en émeut : elle fait distribuer des secours aux localités les plus maltraitées ; le gouvernement, le 31 octobre, donne des primes à l'importation des grains et exempte les navires importateurs des droits de fret. Le Parlement convoque des députés de toutes les cours et de toutes les communautés et décide à l'unanimité qu'on demandera le rapport des déclarations de 1763 et de 1764 et qu'on reviendra au régime prohibitif. Sous la pression des physiocrates, le Conseil cassa l'arrêt.

La population de Paris resta assez tranquille, maintenue par la maréchaussée, mais il n’en fut pas de même en Normandie où la populace se porta aux plus graves excès. Elle pilla les magasins de blès et jeta les grains à la rivière. Le 5 mai 1768, le Parlement, dans un mémoire au Roi, demanda, de nouveau, la suspension de la liberté d'exportation. qu'il avait réclamée quelques années auparavant (3 août 1752). Les récoltes venant soulager momentanément la misère, il ne fut pas donné suite à cette supplique, et dès le commencement de l'automne la disette se fit sentir plus grande encore que l'année précédente. Le Parlement intervint de nouveau sans succès : dans un second mémoire au Roi, il se plaint « d'achats considérables, faits en même temps, pour un même compte, dans plusieurs marchès de l'Europe : des entreprises de particuliers ne peuvent être aussi immenses, » ajoutait-il; « iln'y a qu’une société dont les membres sont puissants en crédit, qui soit capable d’un tel effort : ici on a reconnu l'impression du pouvoir, le pas de l’auto-

vinces. L'ouvrage dont ilest ici question est le Précis des ezæpériences faites à Trianon sur la cause qui corrompt les blés, 4756, in-80. Voy. Le Grand d’Aussy, Op- Gil.» 1, 31, 51e

1. H. Taine. Séjour en France, p. 207: