Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

30 LE PACTE DE FAMINE

ne fit pas diminuer le prix du pain, il donna beaucoup de plaisir à la nation, ce qui vaut beaucoup mieux pour elle. Les partisans de l'exportation illimitée lui répondirent vertement. Le résultat fut que les lecteurs ne surent plus où ils en étaient : la plupart se mirent à lire des romans en attendant trois ou quatre années abondantes de suite qui les mettraient en état de juger. Les dames ne surent pas distinguer davantage le froment du seigle. Les habituès de paroisse continuèrent de croire que le grain doit mourir et pourrir en terre pour germer *. »

A force de parler des moyens de prévenir la cherté du pain, on l'avait provoquée, et d'ordonnances en ordonnances, d'édits en édits, l'on vit la crise augmenter. Les disettes se renouvelaient -plus terribles à chaque nouvelle mesure prise pour les conjurer.

Au lieu d'attribuer ces malheurs à leurs véritables causes, on se mit à écrire sur toutes ces questions, et la plupart des écrivains et des pamphlétaires qui prirent part à la polémique ne firent que jeter de l'huile sur le feu en traitant d’une matière difficile qu'ils ne connaissaient pas et en accusant successivement les monopoleurs, les compagnies, les ministres et le Robe:

L'école révolutionnaire, à la tête de laquelle figuraient les ency- |: clopédistes et les parlementaires, commençait à se dessiner. Pour fronder l'autorité ministérielle, elle fit de la question des subsistances son cheval de bataille; dans cette lutte, elle avait tous les avantages. Le fait, qui servait de base à ses accusations, et qui était la disette, était réel; le peuple en souffrait. Elle se gardait bien de dire que le gouvernement royal travaillait énergiquement à y porter remède. Ses discussions envenimaient le mal. Apportaitelle une solution ? Lorsqu'elle triomphera plus tard nous la verrons substituer son système à celui qu’elle combattait et produire des résultats encore plus désastreux : « On découvre maintenant, écrit une Anglaise pendant la Terreur, que les causes naturelles et l'égoïisme des individus suffisent pour produire une disette tempo-

4, Voltaire. Edit. de Kehl, XXXVIII, 317.

2. Le gouvernement employait des moyens plus pratiques en favorisant les recherches sur les progrès de l’agriculture et sur les maladies des grains et en dégrevant ceux qui s’occupaient de défrichements. Il fit distribuer à ses frais, dans les provinces, plusieurs ouvrages d'agriculture, et entre autres, la Pratique des défrichements des terres et l’art de les fertiliser par l'écobue. — Cet ouvrage de Louis-François Henri de Menon, marquis de Turbilly, était édité pour la quatrième fois, en 1811. À la suite des expériences faites par Tillet, sous les yeux du Roi, sur la maladie des grains, on fit imprimer au Louvre le résultat du travail de ce savant membre de l’Académie des sciences, et le gouvernement l’envoya à tous les intendants de pro-