Le Royaume de Monténégro : avec une carte

28 LE ROYAUME DE MONTÉNÉGRO

contraire, que ce sont les Monténégrins. En réalité, tous deux ont des torts égaux. Quoi qu’il en soit, dans ce coin de terre, la vie de chaque habitant, celle de sa femme et de ses enfants sont toujours menacées; de plus, il court le risque d’une attaque de la part de l'ennemi qui le chassera de chez lui et s’emparera de ses bestiaux. Le berger est toujours armé d’un fusil, qu’il porte en bandoulière; il suffit qu'un chien aboie pendant la nuit pour que tout le monde soit sur pied, craignant une surprise et se préparant à la défense.

Toutes ces alertes, nous l’avons dit ailleurs, entretiennent lesprit guerrier parmi ces montagnards. A les voir se prélasser, la ceinture garnie de revolvers, se glorifiant des exploits de leurs pères, brûlant du désir de faire comme eux dès que les circonstances le permettront, le voyageur se rappelle involontairement la figure à la fois ridicule et héroïque de l’immortel Don Quichotte.

Deux touristes et écrivains anglais, MM. Wyon et G. France, ont assisté, au Monténégro, à des scènes qui nous donneront une idée de ses mœurs étranges. Se trouvant à Rieka, dans une auberge où ils attendaient l’arrivée de la voiture qui devait les conduire à Cettigné, ils entendirent le bruit d’un coup de revolver. Ils coururent vers un petit magasin où un Monténégrin ensanglanté se penchait sur le corps inanimé d’un Turc. Voici ce qui s'était passé : le Monténégrin avait acheté à ce Turc du tabac, qu’il paya avec une pièce blanche. Il s’aperçut que le marchand ne lui avait pas rendu toute sa monnaie et qu'il lui manquait cinq centimes. Il en fit part à ce dernier lequel riposta en disant : « Je t'ai rendu ta monnaie, mais tu auras escamoté les cinq centimes. » Le Monténégrin le traita de voleur. Le Turcse fâcha, prit son revolver et tira sur le Monténégrin qu'il blessa à la cuisse. Le blessé, à son tour, sortit son revolver, dont un coup de crosse bien appliqué sur la tête coucha par terre son agresseur.

Quelques jours après leur entrée à Cettigné, les mêmes Anglais virent arriver, dans cette ville, une vingtaine de Monténégrins enchaînés. Ils allèrent aux renseignements et voici ce qu'ils apprirent :

Un jeune homme de vingt ans, nommé Andréas, était allé