Le système continental et la Suisse 1803-1813

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Il ne fut relâché qu’un petit nombre des ballots saisis, et le ministre français Colin donna l’ordre spécial de libérer les toiles de coton destinées aux maisons d’indiennes du pays. Comme suprême faveur, on permit à d’autres propriétaires de vendre en partie leurs marchandises en France contre une taxe de 50/,. Cette mesure s’appliquait probablement à des articles de fabrication suisse et non anglaise. Le reste fut condamné sans appel à être vendu aux enchères.

Un exemple suffira pour donner une idée de l'arbitraire qui présida au règlement de cette question et confondit dans un même jugement innocents et coupables. Un fort chargement de toiles de Silésie s’était trouvé compris dans la confiscation. Les explications justifiées du propriétaire, un sieur Forcart, démontraient que ces étoffes, fabriquées en Prusse avec des matières premières prussiennes, n'avaient à faire ni avec l'Angleterre ni avec la Suisse. On se borna à lui répondre qu’en effet il était bien fâcheux qu’elles se trouvassent méêlées avec les autres, mais que ce qui était fait, l’était irrévocablement. Le 25 mai et les jours suivants furent vendus aux enchères 540 ballots et caisses contenant des étoffes de coton anglaises de toute qualité, des toiles de coton suisses et saxonnes, des mousselines et des indiennes, des tonnes de sucre, de café et différents paquets d'épices. Ces marchandises représentaient uv valeur totale d'environ 1 200 000 livres de France. Les marchands neuchâtelois se virent obligés de racheter leurs marchandises, mais ils le firent à des prix modérés, personne n’ayant eu le courage de leur disputer leurs biens perdus f.

De l’enquête menée dans la suite, il résultait que les spéculateurs français étaient intéressés dans l'affaire pour une

4 Une curieuse pièce du graveur Abram-Louis Girardet intitulée : « Métempsycose des marchandises d'Angleterre, de Saxe, de Suisse, opérées à Neuchâtel... » représente cette vente. L'artiste paya cctte manifestation de plusieurs jours de prison et de la confiscation de son œuvre. Ceci ne l’em-

pêcha pas, en 1808, de fsire une seconde gravure : « Le sucre aux raves, » allégorie assez énigmatique représentant entre autres nombreuses figures