Les états généraux en France

80 LES ÉTATS GÉNÉRAUX EN FRANÉE.

attribués aux uns et inaccessibles aux autres ; c'est que toutes les voies sont libres et ouvertes à tous pour monter à tout : c’est que le mérite personnel et le travail ont, dans le sort des hommes, une part infiniment plus grande qu'il ne leur en était accordé jadis. Le tiers état de l’ancien régime v’existe plus; il a disparu dans sa victoire sur le privilége et le pouvoir absolu ; il a pour héritiers les classes moyennes, comme on les appelle aujourd’hui. »

Quoi de plus? Est-il besoin d'ajouter ici quelque chose, pour, au moment où nous essayons de mettre en lumière, non plus comme iout à l'heure, les échecs et l'insuffisance des États Généraux, mais leurs succès et leur influence, montrer que c’est à eux qu'est due, en partie, celte victoire du tiers état, que tout le monde aujourd’hui admet et constate ?

M. Picot nous avertit, il est vrai, qu’il faut prendre garde, lorsqu'on veut juger des progrès du tiers état, de confondre ce qu'il fut dans le développement complet de son histoire avecson attitude dans le sein des États Généraux. « Rien n’est plus différent, dit-il : tandis que la masse de la nation poursuit surtout vers l'égalité civile sa marche ininterrompue, dans les États, le troisième ordre tente timidement ses premiers pas vers la liberté politique.» L'observation est pleine de justesse. Mais, si distinctes qu’aient été les visées du tiers état, suivant qu’il se tient à la porte des États Généraux ou qu'il entre dans la salle des séances, nul ne s’avisera de soutenir que les députés du troisième ordre n’aient rien appris et rien conquis dans les assemblées où ils siégèrent, et que, des luttes auxquelles ils prirent part, l’ordre tout entier dont ils étaient les mandataires n’ait tiré ni accroissement ni profit. Dans les sessions d’États où ils figurèrent et où plusieurs d’entre eux jouèrent un rôle important, les députés du tiers état s’'accoutumèrent à la discussion ; ils firent leur éducation politique ; ils eurent d’ailleurs avec la noblesse, avec le clergé, avec la royauté elle-même, des contacts ou même des conflits, qui, on peut l’affirmer, contribuërent puissamment au succès de leur ordre. C’est surtout à ce point de vue, et en les envisageant dans l'influence qu’ils eurent sur les progrès du tiers, qu’on doit dire des sessions de nos États Généraux ce qui a été dit des croisades : c’est que, si chacune d'elles a échoué, dans l’ensemble elles ont réussi. I

On peut assurément être d’avis que les premiers États Généraux compris dans la période dont l’histoire a été mise au concours par l'Académie des sciences morales et politiques, — les États du roi Jean, — ne sont pas précisément ceux qu’il convienne de citer comme exemple et qu’il faille prendre pour modèle. L'influence des bandes auxquelles commande Étienne Marcel, le prévôt des mar-