Les états généraux en France

LES ÉTATS GÉNÉRAUX EN FRANCE. 881

chands, s’y fait trop sentir. Cependant, il est impossible, lorsqu'on envisage l’histoire des États dans ses rapports avec les développements du tiers, de n’être pas frappé d’une chose : c’est que, des États du roi Jean à ceux de Louis XVE, il semble, à première vue, que rien ne nous sépare. Le souffle de 1789 paraît animer les députés de 1356. Ainsi, à l'approche des conseillers que le dauphin de France, le duc de Normandie, leur envoie pour assister à leurs séances, ceux-ci déclarent « qu’ils ne besoïgneraient point tant que les gens du conseil du Roy fussent avec eux. » Ne croit-on pas ici entendre Sieyès ou Mirabeau inviter leurs collègues à prendre le titre de « représentants du peuplefrançais? » Ne semble-t-il pas qu'on assiste à cette mémorable séance, où, dans la rue du Vieux-Versailles, et à appel du président Bailly, les députés du tiers qui, de leur autorité privée, viennent de se constituer en Assemblée nationale, prêtent l’un après l’autre serment solennel « de ne jamais se séparer et de se rassembler partout où les circonstances l’exigeront, jusqu'à ce que la constitution du royaume soit établie? » N'est-ce pas d’ailleurs dans cette même session de 1356 que les Etats Généraux trouvent de prime abord la solution pratique de problèmes à la recherche desquels, vieux enfants du dix-neuvième siècle, nous sommes encore ? Ne sont-ce pas les députés assemblés à Paris pendant la captivité du roi Jean qui demandent que, sur leur désignation, le roi choisisse pour diriger les affaires du royaume, des conseillers qui devront rendre compte devant Les Etats Généraux? C’est, on le voit, la responsabilité ministérielle inventée dès lors. Elle ne fut point obtenue, cela va sans dire; mais il n’y a pas lieu de nous en étonner, puisque nous sommes encore à la poursuite de cette chimère, qui, cependant atteinte par d’autres, est devenue pour eux la première des garanties. Toujours est-il qu’en s’associant au clergé et à la noblesse pour, dès le milieu du quatorzième siècle, revendiquer la responsabilité des agents du pouvoir, le tiers état découvre et indique tout de suite la première condition des gouvernements libres: il ne perd pas son temps; il fait son éducation politique.

Entre toutes les preuves qui démontrent que, dès lors, cette éducation se fait, il en est deux qu’il faut citer : d'abord, les députés, disposés qu'ils sont aux réformes, se retirent dès qu'ils s’aperçoivent qu’on prépare une révolution et qu’on cherche à ébranler la monarchie. D'autre part, on voit le roi Jean, « octroyer » à son peuple des immunités en échange des subsides que celui-ci lui « octroie, » comme si, dès lors, le secret de la monarchie conslitutionnelle était trouvé dans ce qu'il y a plus de délicat et de plus profond.

Ce n’est pas tout. Le rapprochement le plus curieux que l'on