Les états généraux en France

896 LES ÉTATS GÉNÉRAUX EN FRANCE.

temps anciens, d'une espèce de kberté irrégulière et intermittente qui, si elle les préparait à renverser le despotisme, les rendait peu propres à fonder à sa place l’empire libre et paisible des lois.

Ni Pune ni l’autre de ces deux assertions n’est à contredire. Mais on peut les compléter toutes deux en affirmant que le sort divers et actuel des deux peuples tient surtout à la cause que nous venons d'indiquer, au rôle différent qu'ont joué chez eux les hautes classes. En France, elles ne se bornent pas à passer la frontière lorsque le couteau révolutionnaire les menace. Ce qui, dans certaines circonstances, est excusable aussi, mais ce qui ne l’est pas toujours, c’est qu’à chacune de nos révolutions, ces mêmes classes émigrent à l’intérieur dans la personne de ceux de leurs membres que cette révolution a atteints et froissés. Il semble qu’il n’y ait pas de milieu entre déserter sa cause et l'honneur, ou bien quitter la partie, et que la seule ressource soit d'abdiquer pour ceux qui ne consentent point à se faire apostais. S'attacher exclusivement à son parti, et, quand il est vaincu, rentrer chez soi si l’on ne consent à le trahir, paraît préférable à servir la France. De plus, nous nous disputons entre gens qui devraient s'unir : c'est aux jours où l’union nous serait le plus nécessaire, que nous nous irritons à propos de griefs légers ou même imaginaires. Au moment où les couleurs se tranchent, nous nous divisons sur des nuances ; nos haïnes , entre adversaires politiques, survivent aux générations qui passent ; nous poursuivons les fautes d’un père coupable jusque dans ses arrière-petits-enfants; nous allons même jusqu’à traiter en ennemis, jusqu’à insalter nos amis de la veille, sans prendre garde que, de la sorte, nous nous préparons un triste lendemain. L’ennemi est là qui nous guette, et il semble que nous prenons à tâche de lui donner nous-mêmes des armes ; l'abime est béant, et, de gaieté de cœur, nous allons nous y jeter.

Ligueurs sous la Ligue, frondeurs sous la Fronde, royalistes sous ancien régime ou bien républicains sous le nouveau, nous sommes pour la plupart et à toute heure, plus préoccupés de servir nonseulement la cause, mais les exagérations de nos amis, que de savoir si, en les servant de telle façon ou bien de telle autre, nous servons vraiment l’intérêt public. Même dans les cas où nous avons motif 'être fidèles à notre drapeau, où peut dire que le plus souvent, l'esprit de parti nous domine et nous aveugle. C’est une exception dans notre histoire que cet exemple donné sous Henri [IL par ceux qu'alors on nomma « les Politiques » et que, trop sévère pour eux, l'historien de Thou appelle aussi « les Mécontents. » Mécontents ou politiques, on peut dire d'eux qu'ils furent les vrais patriotes de leur temps. Ils ne repoussent pas la Ligue, mais ils y mettent une condition : c’est que la Ligue sera française. En même temps, ils sou-