Les états généraux en France

LES ÉTATS GENÉRAUX EN FRANCE. 897

tiennent la candidature du Béarnais, mais sous réserve que le Béarnais se fera catholique. Cette exigence de leur part n’a rien que de naturel : elle est conforme non-seulement à la constitution du royaume, mais à l'esprit du temps. C'est seulement depuis qu’on a inventé la théorie et pratiqué en certains pays le régime de la monarchie constitutionnelle, grâce auquel la pleine liberté de conscience des sujets peut être sauvegardée, même sous un prince dont la foi n’est point conforme à la leur. Au seizième siècle, cela n’était pas compris. On n’admeftait pas alors que la foi du prince pût différer de celle des sujets sans porter atteinte à leur liberté. Alors, l’intérêt français exige que Henri IV soit élu; mais d’autres intérêts, respectables aussi, veulent que le roi de France professe la religion des Français. Une transaction est donc nécessaire, et toute transaction suppose un parti de transition. Tandis que ligueurs etprotestants continuent à se battre, les politiques, à la fois catholiques et Français, apparaissent comme le vrai parti national; c’est celui dont il semble qu’aient, à certains égards, hérité les conservateurs libéraux d'aujourd'hui, c’est-à-dire les hommes de passage, parmi lesquels, inclinant les uns à la république, les autres à la monarchie, il n’en est point qui, avant la monarchie, avant la république, se croient dispensés de mettre la France.

Mais en France, plus que partout ailleurs, cette sorte d’esprits est rare, et c’est notre malheur. Sous l’ancien régime, c’est de classe à classe que nous nous faisons la guerre; maintenant c’est de parti à parti. Tel parti est vaincu aujourd’hui ; tel autre le sera demain, et c’est par là seulement qu’on diffère. Par où on se ressemble, c’est que toujours, à l'exception des conspirateurs, le vaincu rentre sous sa tente et se condamne à l’inaction. Tandis qu'ambitieux et besoigneux, gens à tout faire, accourent toujours pour rendre hommage aux pouvoirs nouveaux, les hommes de cœur, que cet empressement intéressé révolte, se retirent. Il ne faut pas toujours les blômer : la foi politique a de ces pudeurs, incompréhensibles pour ceux-là seulement auxquels le sentiment de l'honneur fait défaut.

Mais il est des temps, — et le nôtre est du nombre, — où tout bon citoyen doit rester sur la brèche, non pour y harceler ou suspecter ses compagnons d’armes, mais pour défendre avec eux lé drapeau de la France, supérieur au drapeau de n'importe quel parti. Quand la société tout entière est menacée, ce n’est pas d'opinions qu'il s’agit; quand la maison brüle, le devoir de chacun est de courir aux pompes, et d'y amener quiconque est résolu à éteindre le feu. Lorsqu'il arrive qu’une partie considérable, non de la noblesse (iln’y en a plus), mais de l'aristocratie de l'intelligence, du savoir, de la richesse territoriale, de l’industrie ou du commerce, se trouve ex-