Les états généraux en France

898 LES ÉTATS GÉNÉRAUX EN FRANCE.

clue de toute participation aux affaires publiques, ceci constitue un véritable malheur national, et un malheur d'autant plus grand que cet ostracisme forcé ou volontaire sert d’aliment aux plus basses passions du cœur humain. Tandis, en effet, que la partie vraiment honnête et libérale de notre démocratie regrette l’absence de l’élément dont nous parlons, la masse y applaudit sans s'apercevoir que cela aura pour l'avenir du pays les plus fâcheuses conséquences. Pour le moment, cela n’en a d’autre que celle de contenter, en leur laissant la curée des places, ceux qui se donnent pour servir le peuple et qui ne font que l’exploiter. Tenant pour contrarié et humilié non-seulement l’homme de haute naissance ou le riche bourgeois qu’on a chassé, füt-ce de fonctions purement électives, mais celui qui, par conscience, se retire volontairement, la masse autoritaire et jalouse triomphe; ceci satisfait son orgueil stupide et malsain, Qu'importe, dit-elle, que cet homme, hier préfet, député ou ministre, rentre aujourd'hui dans la vie privée et dans l’inaction ? Ne semble-t-il pas, au contraire, et n’entendons-nous pas dire tous les jours qu’il importe aux intérêts de la démocratie que chacun fonctionne à tour de rôle, et qu'après quelques mois ou quelques années d'exercice, celui qui a une place la laisse à celui qui n’en a point?

Ge qui importerait par-dessus tout, ce serait que la place fût bien occupée. Mais cela ne nous inquiète guère. Triompher est ce qu'il nous faut, et même ceci nous plait moins que chasser et humilier autrui. La vanité et l'envie étant nos deux passions dominantes, ilen résulte que, toujours disposés à détester nos supérieurs, nous ne faisons rien pour nos inférieurs, dans la crainte qu’ils ne deviennent nos égaux. Ou plutôt, notre humeur égalitaire nous poussant à ne vouloir, comme disent les envieux et les esprits bas, « servir de marchepied à personne, » nous tournons le dos à qui est «quelqu'uu, » quelqu'un non plus seulement, comme autrefois, par le nom ou par la fortune, mais par l'intelligence, par le savoir, par la dignité de la vie et l'élévation des sentiments. La médiocrité nous plait en toutes choses, et elle nous plait surtout parce que nous ne trouvons en elle rien qui puisse nous effacer. Toute supériorité nous offusque ; nous faisons la guerre à quiconque sort du rang, en sortit-il pour nous servir ; nous nous acharnons contre l’homme qui monte, jusqu’à ce qu'il ait redescendu. Aussi, piétinons-nous sur place, reculant souvent, n’avançant jamais dans Ja voie des libertés publiques : 1789 nous a, il est vrai, débarrassés du règne des grands seigneurs, mais non point de celui des malhonnêtes gens et des sots. Nous tournons dans un cercle où les incapables succèdent aux incapables et les affamés aux repus. ‘À chacune de nos révolu-