Les complots militaires sous la Restauration, d'après les documents des archives

136 LES COMPLOTS MILITAIRES

courriers lui montraient la France résignée à la monarchie, etil en arrivait lui-même à l'indifférence. Non seulement il ne songeait plus au retour, mais ilne songeait même plus à la liberté, et il écartait obstinément tout projet et même toute idée d'évasion. Du haut de son génie, il voyait dans sa captivité la rançon de sa gloire passée, le gage du succès pour l’avenir. 1] disait parfois: «Si, au lieu de souffrir ici, j'étais en Amérique comme Joseph, on ne penserait plus à moi ; ma cause serait perdue. Non, non! mieux vaut pour moi mourir sur ce rocher. Mon martyre assurera la couronne à mon fils (1). »

C’est dans ces dispositions de renoncement et de sacrifice que la mort le trouva et se saisit de lui, dans l'ouragan qui passa sur le rocher de Sainte-Hélène, le 5 mai 1821.

La nouvelle, apportée en France dans le courant de juillet, n’y fit d’abord que peu de bruit. La censure imposa le silence aux journaux, et beaucoup d'anciens soldats, retirés au fond de la campagne, refusèrent de croire à la mort de leur empereur. Mais

bientôt les accents arrachés aux poètes, Béranger,

(1) Voir, avec le livre de Montholon, la Captivité de SainteHélène, d’après le journal du marquis de Montchenu, publié par G. Firmin Didot. Paris, 1894, in-8. — Le marquis était commissaire de Louis XVIII dans l’île. Il s'était montré d'une convenance parfaite envers Napoléon et ses compagnons de captivité .