Les complots militaires sous la Restauration, d'après les documents des archives

88 LES COMPLOTS MILITAIRES

quatre heures du soir, sur la place Grenette. Mais elle avait pour prévôt Planta, un enfant du pays, dont l'existence avait été des plus singulières. Planta, qui se faisait appeler Falquet de Planta, était parti comme volontaire en 1792. Il avait servi, et non sans distinction, dans les armées de la République et del’Empire. Avec cela, il se piquait de philosophie et il était lié avec Maine de Biran. D'officier, il était devenu inspecteur d'académie à Grenoble, en 1810, et d'universitaire prévôt de justice en 1816. Tour à tour républicain, bonapartiste, royaliste, avec une désinvolture où la politique avait plus de part que la philosopbhie, il pouvait être gêné, et surtout génant, pour ses opinions successives.

On s’en aperçut dès le premier jour des débats, quand un des accusés, le vieux David, aubergiste à Eybens, interpellant le prévôt, lui cria : « N'êtes vous donc pas ce Planta qui est venu si souvent chanter la Marseillaise devant ma porte, au pied de l'arbre de la Liberté, et exciter les jeunes gens du village à courir à la défense de la République et de l'Empereur ? N'est-ce pas vous qui êtes cause du départ de mes enfants? Aucun d’eux n’est revenu. Je pourrais vous accuser de leur mort; cependant, je ne me plains pas ; car je n'ai pas changé, ajouta-t-il en frappant sa poitrine; je n'ai pas retourné mon

habit, moi ! »