Les derniers jours d'André Chénier
308 LES DERNIERS JOURS D'ANDRÉ CHÉNIER
bourreau, couché la tête dans la lunette, sous le couteau.,.
Que pouvaient mes amis? Oui, de leur main chérie Un mot, à travers les barreaux,
Eût versé quelque baume à mon âme flétrie; De l'or peut-être à mes bourreaux...
Mais tout est précipice. Ils ont eu droït de vivre. Vivez amis, vivez contents!
Le désespoir! le fer. Ah! làches que nous sommes, Tous, oui, tous. Adieu, terre, adieu. Vienne, vienne la mort! Que la mort me délivre!
Il est mort en jetant, du fond de son cœur, meurtri avant le meurtre de son corps, un cri d'angoisse et de juste colère que la postérité, plus attentive que ses contemporains, a entendu.
Quand le neuvième soleil de thermidor eut ouvert les prisons et abattu les bras sanglants de la machine meurtrière, un furieux désir de vivre, bien naturel, s’empara de tous ceux, de toutes celles qui, en parlant d'amour, avaient senti perler à leur front la sueur froide des agonies. Ce que les terroristes récalcitrants appellent les « saturnales de la réaction thermidorienne », ce fut tout bonnement la fête, très excusable, d'un certain nombre de jeunes hommes et de jeunes femmes qui se croyaient marqués pour une prochaine charrette, et qui, soudain délivrés, se mirent à danser, un peu trop, peut-être... On ne saurait pas exiger que des jeunes gens, à peine échappés de prison, soient assez raisonnables pour réduire tout de suite à des pratiques de mortification et de jeûne leur caprice renaissant.
Hélas! la jeune captive, « rescapée », oublia André, épousa Montrond et poursuivit le cours de ses escapades .