Les fêtes et les chants de la révolution française
298 APPENDICE.
suprême, et qu'il ordonne la composition d’un autre hymne à faire chanter par le peuple entre les deux parties de son discours aux Tuileries. Cela se passe après la séance de la Convention (probablement à la Commission exécutive), donc le soir du 16 prairial. Il reste trois jours et quatre nuits pour préparer le nouveau programme.
Voici maintenant le moment venu de l'intervention de Desorgues. Quand et comment se produisit-elle? Là-dessus nous avons trois témoignages, d'apparence également romanesque, et qui tous trois disent des choses différentes, — et j'ai ajouté moi-même une conjecture, qui dit une quatrième chose encore. Cette conjecture, basée sur l'observation et le rapprochement des faits réels, est que les vers de Desorgues n’ont point du tout été faits pour remplacer ceux de Chénier, et ne sont pas postérieurs aux incidents du 16 prairial. La première proposition est d'accord avec deux des trois témoignages, si l'on veut bien y regarder avec attention : Zimmermann est seul à prétendre que Sarrette ait demandé à Desorgues de « parodier » les vers de Chénier ; Adolphe Adam et Hédouin ne parlent pas de cette « parodie » : ils disent au contraire que Desorgues est venu de lui-même présenter ses vers, à Sarrette, dit l’un, à Gossec dit l’autre. Or, j'ai rejeté, moi aussi, pour des raisons longuement motivées, l’idée de la « parodie »; j'ai montré que c’est par une coïncidence toute fortuite que les vers de Desorgues ont pu s'accorder suffisamment à la musique de Gossec pour remplacer les vers de Chénier, — au prix de mutilations à la composition primitive, et en subissant eux-mêmes de notäbles modifications, suppressions et additions.
Or, si ces vers n'ont pas été faits pour remplacer ceux de Chénier, il n'y à aucune raison pour croire qu'ils ont été écrits ni composés si tard : il y a tout lieu de penser, au contraire, qu'à la date du 16 prairial ils étaient déposés depuis plusieurs jours à l’Institut national de musique, où Gossec n'eut qu'à les prendre pour en faire l'usage urgent nécessité par les circonstances. Et qui sait s’il ne les tenait pas déjà en réserve, se rendant bien compte que a cérémonie des Tuileries ne pouvait pas se passer dé