Les hommes de la Révolution

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comme Marat était le divin Marat (1); il l'appelle son cher Mirabeau. Mais bientôt, il va tenir un autre langage. IL faut reconnaître que Camille n'avait point tout à fait tort et que l'attitude du tribun justifiait toutes les attaques. Mais

casions de périr, plus glorieusement et plus utilement, ne nous manqueront pas.» Loustalot le félicita et écrivit: «Le meilleur citoyen, le plus honnête homme sera toujours l'esclave du premier vaurien, du premier valettueur qu'on lâchera contre lui.»

Les choses allèrent si loin qu’un jeune officier, depuis général, Boyer, mit son épée à la disposition des révolutionnaires et publia dans les journaux «qu'il prenait à son compte tous les duels que proposeraient MM. les royalistes. »

C'était l'époque où Marat était obligé de se cacher dans des caves. Il'y avait quelque danger à soutenir la cause de la liberté.

(1) Plus d'une fois il polémiqua avec Marat, mais il n'eut pas toujours le dessus. Il l’appelait le dramaturge Marat, le prophète Marat, Cassandre Marat, l'enfant perdu de la presse patriote. Quelquefois, il s'écriait

- après lecture d'un article de ce dernier: « Très bien,

divin Marat! Toujours échevelé comme la Pythonisse» L'Ami du, peuple répondait dédaigneusement, et le traitait de jeune homme. Un jour Camille écrivit: « Ecoute, Marat, je te permets de dire de moi tout le mal que tu voudras. Tu écris dans un souterrain où l'air ambiant n’est pas propre à donner des idées gaies, et peut faire un Timon d'un Vadé… Tu as raison de prendre sur moi le pas de l'ancienneté et de m'appeler dédaigneusement jeune homme, puisqu'il y a vingtquatre ans que Voltaire s'est moqué de toi. Tu auxas beau me dire des injures, comme tu fais depuis six mois, je te déclare que tant que je te verrai extravaguer dans le sens de la Révolution, je persisterai à te louer, parce que je pense que nous devons défendre la liberté, comme la ville de Saint-Malo, non-seulement avec des hommes, mais avec des chiens.»