Les hommes de la Révolution

SE

Révolution marche, Les jours difficiles s’annoncent. Camille perd de sa bonne humeur et se révèle haineux et rancunier; le sarcasme remplace la joyeuse plaisanterie; le trait est empoisonné et il fait plus que piquer, il tue. Puis, Camille a des remords. La Révolution l'effraie. Trop faible et trop poltron pour la suivre, il perd la tête, selon l'expression de Saint-Just. C’est bien l’homme que Mirabeau appelait «ce pauvre Camille», et dont Marat disait qu'il avait «mauvaise tête et bon cœur.» Il ne sait plus. Il tâtonne. Il attaque des hommes qui deviennent des ennemis et qui ne pardonneront plus. Il louange des adversaires déclarés de la République. Sa popularité diminue, s’éclipse devant celle d'Hébert et des gens de la Commune. Bientôt, lui, le pamphlétaire à la plume redoutée et redoutable, aura de la peine à se défendre, et invoquera vainement ses états de service républicains.

Un soir, le long de la Seine, quai des Eunettes, Camille se promenait avec Danton. Soudain, Danton tendit la maïn et désignant Passy, lui montra le soleil couchant reflétant ses rayons rouges dans le fleuve. Les yeux du tribun étaient gonflés de larmes. « Regarde, dit-il, vois que de sang. La Seine coule du sang. Ah! c’est trop de sang versé. Allons, reprends ta plume, écris qu’on soit clément, je te soutiendrai… (1).»

Et Camille reprit sa plume. Le sentiment qui les guidait, lui et Danton, était, certes, très hu-

(1) Jules Claretie (Renseignements donnés par M. Labot père), :