Les hommes de la Révolution

— 148 —

levait et la foule transportée put lui faire connaître les joies du triomphe.

Si l’on prend l’homme privé on ne se sent pas la force de le blâmér. La vie de Camille n'estelle pas un véritable roman? Ses premières années à Paris, années stériles et tristes, ses premiers écrits et ses lettres à son père, si pleines de vanité inconsciente et d'enthousiasme exubérant, n’attestent-elles pas un cœur délicieux, enclin aux sentiments les plus doux et les plus. nobles; plus

- tard son amour pour Lucile, son mariage et jusqu’à sa douleur et sa faiblesse à l'heure de la prison et de la mort, n’'appellent-t-elles point la pitié ? l

Mais il y a aussi l’homme public. Ah! celui-là fut terrible, féroce à ses adversaires, haineux et rancunier. (1) Un homme comme Marat avait l'excuse, dans ses pires débordements, d'une noble passion et d'un complet désintéressement. Mais Camille n'est presque toujours guidé que par une haine personnelle et des sentiments médiocres, dans ses attaques. Marat ne mentait point et n’insultait jamais. Camille, lui, déverse les accusations les plus saugrenues et les mensonges les plus infâmes. Il se fait l'accusateur de Brissot parce

(1) Prud’homme rencontra Camille, sur le Pont-Neuf, à la veille du procès des Hébertistes et celui-ci lui dit: «Je sors de la mairie pour savoir si l'on a pris les mesures nécessaires afin que le supplice des Hébertistes ne manque pas. Ces coquins ont toute la canaïlle pour eux, mais je leur prépare un vilain tour pour animer le peuple contre eux: j'ai donné l'idée de porter au bout d'une pique les fourneaux du père Duchesne. »