Les impressions du comte de Las Cases sur l'Empire français en 1812

En

Et

[354] PH.. GONNARD S

recherchés un jour à Paris sur une gestion dont ils n’auraient pas assez bien recueilli les formes ou les pièces justificatives ». — Le préfet de la Loire-Inférieure ne peut terminer la salle de spectacle de Nantes, « faute de recevoir de Paris l'approbation des décorations du théâtre ». Dans la Manche, la lenteur que met le gouvernement à approuver où modifier les budgets du département et des communes est telle que « les conseils s’en dégoutent et s’en offensent » ; leurs membres « refusent de venir, ou proposent d'envoyer leur signature ».

Trop centralisée, cette administration multiplie trop les fonctions; partout les préfets se plaignent des trop nombreux « états-majors » des dépôts de mendicité, et le vice est général. Une note sur la HauteVienne le montre : « L'Université ne va pas mieux ici qu'ailleurs; les états-majors dévorent tout ».

L’une des grandes préoccupations administratives réside dans l’impulsion à donner aux travaux publics, dont Napoléon a souvent noté, avec fierté, les progrès sous son règne. Le Puy-de-Dôme est le seul département où Las Cases signale de mauvaises routes. Partout ailleurs, elles sont bonnes, ou l’on y travaille activement. Les ponts se multiplient. On s'occupe aussi de remplacer par les cultures métropolitaines les produits coloniaux arrètés par le blocus. Le pastel, suppléant lindigo, est cultivé avec succés dans le Tarn-et-Garonne; en plusieurs régions, on essaie la betterave. À Castelnaudary, où fonctionne une école impériale de fabrique de sucre, « la première expérience sur la betterave de la récolte a complètement manqué; elle a bien réussi sur les vieilles betteraves, et l’on croit se procurer du sucre, la récolte prochaine, à trente ou quarante sous ». On va établir des fabriques de sucre dans la Loire-Inferieure;

il en est qui déjà s'installent à Gand.

IV

Quels résultats obtient cette administration ? Quel est l’état matériel et moral des populations qu’elle prétend guider avec une autorité absolue ?

Dans plusieurs régions, les caractères distinctifs de pauvreté ou de richesse imposés par le sol, le climat, l’histoire, modifiés partiellement, sont restés les mêmes dans les grandes lignes. D'un côte, par exemple, les montagnes pauvres ; de l’autre les plaines limoneuses, naturellement riches. Dans l'Ariège, on se nourrit de pommes de terre et de farine de sarrasin ; dans l'Ardèche, de pain de seigle, de châtaignes, de pommes dé terre, avec fort peu de viande ; ainsi dans la Haute-Vienne. Mais ce