Les philosophes et la séparation de l'église et de l'état en France à la fin du XVIIIe siécle

LES PHILOSOPHES ET LA SÉPARATION DE L'ÉGLISE ET DE L'ÉTAT. dA

nité, à des /égis/ateurs qui prépareront dans le recueillement le Contrat social, la Constitution idéale, la Loi. « Il faudrait des dieux pour donner des lois aux hommes » (livre IT, ch. vu). « Celui qui ose entreprendre d'instituer un peuple doit se sentir en état de changer, pour ainsi dire, la nature humaine... » (4bid.). Le législateur proposera la loi au peuple comme Moïse l’a pro= posée aux Hébreux (comme Rousseau l’a proposée aux Polonais et aux Corses). Cette loi portera en elle-même une telle force persuasive qu’elle sera non seulement adoptée par le peuple, mais vénérée par lui, sinon à l'instar d'un don surnaturel, du moins comme l'expression « d’une raison sublime ».

Il n'y a pas de place dans une pareille conception de l’État pour des religions particulières. Rousseau regrette la séparation du système politique et du système religieux, résultat du triomphe du christianisme (livre IV, ch. m). Comme Hobbes, il veut « rêunir les deux têtes de l'aigle et tout ramener à l’unité politique, sans laquelle jamais État ni gouvernement ne sera bien constitué ». Les Saint-Simoniens, Auguste Comte rêveront le même rêve.

Mais comment, dans la pratique, supprimer l'opposhon des deux royaumes, du spirituel et du temporel, rendre à l'État les attributions morales dont l'Église l'a dépouillé? Rousseau répond : par la religion civile. Il ne s’agit pas du tout de constituer de toutes pièces une religion nouvelle. Nullement.

La religion civile de Rousseau n'est pas à créer, elle a toujours existé, elle est aussi ancienne que l'humanité, elle est le fond commun de toutes les religions et de toutes les sociétés. Une société ne peut pas vivre sans un minimum de postulats acceptés comme d'instinct par tous ses membres, et c’est là, pour le dire en passant, une vue très profonde. Pour établir la religion civile qui donnera à l'État la force morale qui lui est nécessaire, le législateur n’aura qu’à dégager de la masse des superstitions et des préjugés qui les ont recouverts ces quelques postulats simples, indiscutables qu’on retrouve à la base de l'humanité : « L'existence de la Divinité puissante, intelligente, bienfaisante, prévoyante et pourvoyante, la vie à venir, le bonheur des justes, le châtiment des méchants, la sainteté du Contrat social et des lois... »

Rousseau espère bien, sans qu'il le dise ouvertement, que cette religion civile ou naturelle supplantera peu à peu, en les rendant inutiles, les religions positives, toutes inciviles. Son,