Les serviteurs de la démocratie

106 LES SERVITEURS DE LA DÉMOCRATIE

III

Lorsque, en 1792, Roland fut appelé au ministère de l'intérieur, M Roland passa de la politique platonique à la politique active. La première en France elle eut Tidée d’un salon politique. L’hospitalité la plus large et la plus gracieuse fut accordée par la femme du ministre à tous les hommes qui étaient les tribuns du jour ou qui promettaient d’être les tribuns de demain. Ces réunions, qu'on a beaucoup calomniées, étaient d’une simplicité parfaite; chacun y conservait la plus entière liberté d’allure et de discussion. Mais M" Roland était beaucoup trop femme pour n’avoir pas le sentiment du décorum et ne pas proscrire le laisseraller des manières et la vulgarité du langage. Cette exigence féminine eut des conséquences politiques regrettables. Elle éloigna Me Roland de Danton. Le puissant agitateur avait des familiarités de halle et des désordres de toilette anti-féminins. C'était une âme maägnanime dans un corps lourd et de formes brutales. Mme Roland, froissée comme fernme, ne découvrit pas l’homme d’État chez Danton. Le tribun ne vit de Mme Roland que la couleur de ses bas, et il lui sembla qu'ils étaient bleus, — une pâle couleur pour un démagogue. Les Girondins, au contraire, élégants, lettrés, gens du monde, trouvaient un charme exquis dàns la causerie de cette femme éminente, qui tempérait les austérités de la raison par les délicatesses et les ten dresses de son cœur.

Le vieux Roland, devenu secrétaire de sa femme après l'avoir eue pour secrétaire, fit une opposition