Les serviteurs de la démocratie

242 LES SERVITEURS DE LA DÉMOCRATIE

Ce qui valait mieux encore que l'esprit de l'orateur, c'était son ardeur pour la justice, sa verve pour le bien, son audace pour la liberté. De 1813 à 4840, Crémieux plaida toutes les causes dangereuses. I attaqua sans relâche les abus de la Restauration et mit son talent au service de toutes les infortunes politiques.

Dans ces conditions, Adolphe Crémieux conquit rapidement une grande et légitime réputation. Il fallait le voir à ja barre. Ceux qui, comme nous, ont joui de ce spectacle ne l’oublieront jamais. L'orateur ne parlait pas seulement ses idées, il les jouait, en leur donnant _ l’éloquence et l’enjouement des intonations les plus spirituelles et des gestes les plus émouvants. Au rebours de bien des avocats, il avait l'air de plaider non pour le client, mais pour lui-même. « La différence qu'il y a entre un orateur et un acteur, disait-il, c’est que l’acteur récite ce q'il a appris, tandis que l’orateur raconte ce qu'il a senti. »

Un homme aussi bien doué que Crémieux ne pouvait pas s’éterniser en province. Paris est le grand aimant qui attire à lui toutes les renommées. Crémieux y vint et d'emblée se trouva à sa place. Le barreau Jaccueillit comme un maître et montra par à qu'il savait juger.

La notoriété de Crémieux le désigna aux électeurs libéraux de Chinon, Ils l'envoyèrent à la Chambre des députés sous le gouŸernement du roi Louis-Philippe. Crémieux fit partie de la phalange d'opposition démocratique qui avait pour chef Ledru-Roliin et pour illustration François Arago. Il s’associa énergiquement à la campagne des banquets pour la Réforme avec Lamartine et contribua ainsi à la Révolution de 1848.