Les serviteurs de la démocratie
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ou de son esprit. Il ne pardonnait pas aux renégais, Déserter le drapeau de la liberté luisemblait un crime irrémissible. 11 le fit bien sentir un jour à un ancien républicain qui, s'étant rallié à Napoléon Ill, avait pourtant écrit un livre sur le Respect : « J'ai-lu votre volume, écrivait-il à l’auteur; vous examinezavec détails toutes les formes du respect humain. Il y en a une cependant que vous avez oubliée en composant votre ouvrage: c’est le respect de soi-même! » = Bans une autre circonstance il fit éprouver à un muladroit adversaire ce qu'il avait de puissance dédaigneuse. Barni, candidat au titre de membre correspondant de l’Iustitut, vit nommer à sa place un concurrent, auteur de médiocres livres de piété. Le piétiste victorieux se rend chez le philosophe et lui dit, avec une humilité de commande, qu’il était bien au regret d’avoir été élu, puisqu'il avait eu pour compétiteur un savant, un moraliste, un écrivain tel que M. Barni. « J'ai tenu à vous assurer moi-même que j'ai pour vous non seulement la plus haute admiration, mais la plus profonde estime. — Dans ce cas, reprit froidement Barni, puisque vous avez jugé nécessaire d’être mon concurrent, en quelle estime vous tenezvous vous-même ?»
Barni mérite qu'on inscrive son nom dans le livre d’or des gloires de la Picardie, à côté du nom de Condorcet.