Lettre inédite d'Étienne Dumont sur quelques séances du tiers état : mai 1789

plus dans une heure de conversation que dans un mois de lecture et l'or dit une infinité de choses que l'on n’écrit pas. Cependant je prendrai la liberté de vous consulter quand j'aurai choisi quelque texte, mais en attendant l'envie de composer, j'apprends l'anglais et je commence à traduire la théorie des sentiments moraux de Smith. Je suis avec le plus profond respect, Monsieur, votre trés-humble et très-obéissant serviteur.

Domoxr, ministre.

Ici se place un événement ‘ qui eut une importance décisive sur l'avenir de Dumont. « Le 26 mars 178%, disent les Registres de la vénérable Compagnie, M. Thouron ayant demandé pour M. Dumont, qui doit prêcher en ville pour la première fois dimanche prochain (28 courant), l'agrément de la « Compagnie, » celle-ci y a consenti. Ce sermon, prêché dans le Temple-Neuf, en présence d’un grand concours d’auditeurs, développait ce texte : J'ai fait le compte de mes voies el je ne diffère point d'observer tes commandements, Ps. cexix. D'un bout à l’autre ce discours était irrépréhensible; l'application, ou plutôt un morceau de l'application, dans laquelle il s'élevait * contre la frivolité, l'amour du plaisir et des spectacles, qui détournent les yeux de dessus soi-même, pouvait seule être comprise, par un pouvoir ombrageux, comme faisant allusion aux dissensions actuelles de la République. Voilà pourquoi, le 2 avril, l'auditeur De la Rive fut chargé par le Petit Conseil de se rendre au domicile de M. Dumont pour lui demander son sermon. Après la lecture qu'en firent les magistrats, «le syndic « Joly, disent les Registres publics, dut mander le dit Spect. « Dumont et en lui rendant son sermon lui dire que le Con« seil à été mécontent de voir dans un paragraphe du dis« cours des allusions manifestes à nos affaires politiques qui

* Il a été récemment mentionnné par M. Ch. Dardier (Esaïe Gasc, sa politique et sa théologie, 1876, in-8°, p. 98-99) d’après des renseignements que je lui avais communiqués.