Lettres sur la révolution française : par J. Gorani, citoyen français, à son ami Ch. Pougens
FRANCAIS E 13 lomnies, & moins de menaces. Cette grande caufe de voit être plaidée avec un art, dont les auteurs du manifefte n’ont vraifemblablement aucune connoïffance ; enfin.cet aûte , qui n'ofe fe montrer que clandeftinement , eft fi fngulier, qu'il feroit ridicule d’en entreprendre la réfutation ; ainfi je l’oublie, pour ne m’occuper que des grandes hoftilités que votre alteffe féréniffime doit, dit-on, diriger contre la France.
J'ai paflé une grande partie de ma vie dans l’état miliraire , en voyages, & principalement dans les états du nord ; il eft inconcevable pour moi, qui ai connu perfonnellement les princes , les grands , les miniftres, qui ont joué, & ceux qui jouent les principaux rôles dans ces contrées, qu’ils aient pu fe laïfler féduire par les princes français & par les émigrés de cette nation , qui font fi généralement renommés par leur ignorance , par leur immoralité , par leurs délordres de toute efpèce, & fur-tout par leur orgueilleux dédain pour les étrangers ; comment des fots ont-ils pu égarer le jugement de tant de fages, même le vôtre, monfeigneur, puifque vou: avez accepté la commiflion de fervir leur caufe à la tête des armées réunies des maïfons d'Autriche & de Brandebourg ? Vous avez donc tous été trompés par fes mécontens ? fans doute ils vous ont fait accroire que la France étoit déchirée par des factions, & que la guerre civile éclateroit dans toutes fes provinces, auflitôt que les troupes étrangères attaqueroient fes frontières. En vous affurant , avec vérité, qu'ils avoient des intelligences à la cour de Louis XVI, dans tout le royaume, & fur-tout dans les villes fortes , dont les commandans & les officiers ne manqueroient pas de livrer les fortereffes aux troupes allemandes,