Lord Castlereagh et la politique extérieur de l'Angleterre de 1812 à 1822

96 LORD CASTLEREAGH ET LA SECONDE RESTAURATION.

opinion est que la révolution française et le traité de Paris ont laissé la France trop forte pour le reste de l’Europe, à raison de l’affaiblissement de tous les autres états, par suite des guerres qu’ils ont dû soutenir contre elle, de la destruction de toutes les forteresses aux Pays-Bas et en Allemagne, et de la ruine des finances de toutes les puissances continentales. — Néanmoins. je doute qu’il soit à présent en notre pouvoir d'opérer dans les rapports de la France avec les autres puissances un changement qui soit vraiment profitable. — En premier lieu, je pense que nos déclarations, nos traités, et l’accession, bien qu'irrégulière dans la forme, que nous avons permis à Louis XVII de faire à celui du 25 mars, doivent nous empêcher d'apporter aucune modification réellement importante à l’état de possession résultant du traité de Paris. Je ne puis admettre l'argumentation de ceux qui prétendent, soit que la garantie énoncée dans le traité du 25 mars ne s’appliquait qu'à nous-mémes, soit que la conduite du peuple français depuis le 20 mars lui enlève le bénéfice de cette garantie. Le peuple français s’est soumis à Bonaparte; mais il serait ridicule de croire que les alliés seraient arrivés à Paris en quinze jours après le gain d’une seule bataille, si ce peuple en général n'avait pas été favorable à la cause qu’ils étaient censés appuyer. Le résultat des opérations des alliés a été très différent de ce qu’il eût pu être, si la disposition des habitans avait été de leur résister, — Dans mon opinion done, les alliés n’ont pas le droit d’altérer matériellement les clauses du traité de Paris….; mais de plus je puis prouver que leurs intérêts bien entendus doivent les engager à tenir la conduite que la justice leur prescrit... Mon objection à la demande d’une grande cession territoriale de la part de la France... est qu’elle serait contraire au but que les coalisés s'étaient proposé dans la présente guerre et dans les précédentes. Les alliés avaient pris les armes contre Bonaparte, parce qu'il était certain que le monde ne pourrait être en paix tant qu’il posséderait ou qu’il serait en mesure de reprendre le pouvoir suprême en France. Nous devons donc avoir soin, en prenant les arrangemens qui sont la conséquence de nos succès, de ne pas laisser le monde dans la même situation malheureuse, par rapport à la France, où il se serait trouvé, si Bonaparte eût gardé le pouvoir. Il est impossible de deviner quelle ligne de conduite adopteraient le roi et son gouvernement, si l'on demandait au pays une cession considérable. Il est cerlain cependant que, soit qu'il y consentit ou qu’il n’y consentit pas, la situation des alliés serait très embarrassante. — Si le roi refusait. et faisait un appel à son peuple, il est hors de doute que les divisions qui ont fait jusqu’à présent la faiblesse de la France cesseraient à l'instant. Les alliés pourraient prendre les forteresses et les provinces qui leur conviendraient, mais il n’y aurait pas de paix véritable pour le monde, aucune nation ne pourrait désarmer, aucun souverain ne pourrait détourner son attention des affaires de ce pays. Si le roi au contraire consentait à la cession demandée, ce qui n’est nullement probable d’après tout ce qu’on entend dire, les alliés, il est vrai, seraient satisfaits et devraient se retirer; mais j'en appelle à l'expérience des événemens de l’année dernière pour apprécier la situation où nous nous trouverions nous-mêmes. Nous devons…., si nous nous décidons à exiger des cessions considérables, nous bien persuader que la guerre n’est différée que jusqu’à ce que la France ait trouvé