Lord Castlereagh et la politique extérieur de l'Angleterre de 1812 à 1822

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LORD CASTLEREAGH ET LA SECONDE RESTAURATION. 9

une occasion favorable de regagner ce qu’elle aura perdu, et après avoir épuisé nos ressources à entretenir un établissement militaire excessif en temps de paix, nous finirons par reconnaître combien peu les territoires ainsi obtenus nous donneront de moyens de repousser un effort national tenté pour nous les enlever. — … La France en révolution serait, suivant toute apparence, plus dangereuse pour le monde que la France, même avec une forte frontière, sous un gouvernement régulier, et telle est la position où nous devons essayer de la placer. — Dans cette pensée, je préfère Foccupation temporaire de quelques-unes des places fortes et le séjour pour un temps d’un corps considérable de troupes alliées, le tout aux dépens de la France..., à la cession permanente même de toutes les places que, à mon avis, il est bon d’occuper pour un temps. » "

On comprendra, en lisant cette lettre, que j'aie cru devoir la citer presque tout entière. Le duc de Wellington ne borna pas là ses efforts. Bientôt après, en réponse à une proposition d’un des ministres allemands, qui, tout en réduisant ses premières exigences, persistait à demander la cession de plusieurs places fortes et le rasement de quelques autres, il remit à lord Castlereagh un mémorandum dans lequel, après avoir reproduit les raisons de droit et de justice qui repoussaient cette prétention, il ajoutait ce qui suit :

« La convenance d’une telle demande dépendra d’une variété de considérations politiques et militaires dont voici quelques-unes : — Est-ce la possession des forteresses en question qui donne à la France la force redoutable dont on se plaint, et en les faisant passer entre les mains des alliés leur transférerait-on aussi cette force? N'est-ce pas une combinaison de population, de ressources pécuniaires et de force artificielle qui rend la France si formidable? Et transférer cette dernière force seulement à quelques-uns des alliés, tandis que la France garderait les deux autres dans leur entier, en d’autres termes, donner aux alliés les places fortes sans les ressources additionnelles en hommes pour former des garnisons et des armées capables de les défendre, sans les ressources pécuniaires qui procureraient les moyens d'entretenir ces garnisons et ces armées, ne serait-ce pas les affaiblir plutôt que les fortifier? Ne serait-ce pas en même temps fournir à la France un juste prétexte de guerre et exciter son orgüeil national humilié à tout hasarder pour la pousser avec vigueur? Si la politique des puissances est d’affaiblir la France, qu’elles le fassent sérieusement; alors qu'elles lui enlèvent sa population et sa richesse en même temps que ses places fortes. »

Il fallait en finir. Le cabinet russe d’une part, et de l’autre lord Castlereagh et le duc de Wellington s'étaient assez promptement accordés sur des bases qu’une note de M. de Nesselrode résumait ainsi à la date du 24 août : — Un certain nombre de places françaises, désignées par le duc de Wellington, seraient occupées pendant cinq ans par les forces alliées; la ville de Landau, poste avancé que la France possédait depuis Louis XIV au milieu du territoire germa-

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