Lord Castlereagh et la politique extérieur de l'Angleterre de 1812 à 1822

98 LORD CASTLEREAGH ET LA SECONDE RESTAURATION:

nique, serait restituée à l'Allemagne; la place d'Huningue serait cédée à la Suisse ou démolie; la portion de la Savoie conservée à la France par le traité de Paris serait rendue au roi de Sardaigne; on céderait aussi au roi des Pays-Bas quelques districts de la Belgique, que ce même traité avait laissés à la France au-delà de ses anciennes limites; la France paierait en trois ans une contribution de 600 millions de francs, représentant alors une année de son revenu, et le tiers en serait consacré à construire, sur le territoire belge, des forteresses destinées à protéger ce pays. — Telles étaient les conditions que l’empereur, disait M. de Nesselrode, regardait comme les plus propres à concilier la sûreté future de l'Europe avec les ménagemens que les puissances devaient au gouvernement du roi, dont la consolidation était la première garantie d’un état de paix et. de confiance. Le duc de Wellington, en adhérant à ces vues, recommandait, avec sa modération et sa prudence habituelles, de rendre l'occupation militaire qui faisait la base de ce système aussi peu inquiétante et aussi peu blessante que possible pour les Français, de déterminer bien positivement à cet effet l’époque où elle devrait finir, de laisser l'exercice de l'autorité civile aux agens du roi dans

la partie du territoire occupée, et enfin d’avoir soin de ne mettre en garnison, dans chaque place forte, que des troupes appartenant aux états à qui on ne pourrait supposer l'intention de la garder définitivement. Déjà le cabinet de Londres s'était décidé, non sans regret, à déférer aux représentations de ses deux plénipotentiaires; il les avait autorisés à accepter définitivement le plan proposé, en y ajoutant pourtant la condition aggravante du démantèlement des places de Lille et de Strasbourg: — Gette condition, disait lord Liverpool, était faite pour donner sécurité aux alliés sans mortifier l’orgueil de la nation française, et il était impossible que la France n’y consentit pas lorsqu’elle saurait de quel sacrifice elle avait été préservée par la modération de l'Angleterre et de la Russie. — Lord Castlereagh et le duc de Wellington ne furent pas de cet avis. Sur leurs pressantes remontrances, lord Liverpool et ses collègues cédèrent aussi quant à ce point. Ils y furent surtout décidés par la crainte que de plus longs retards ne fissent naître des difficultés nouvelles, mais ils ne cachèrent pas qu'il leur en coûtait beaucoup de renoncer à leurs premiers projets.

D'accord pour protéger la France, l'Angleterre et la Russie devaient nécessairement l'emporter. Les autres cours avaient compris la nécessité de renoncer à leurs exorbitantes prétentions. On leur fit quelques concessions : outre Landau, donné à la Bavière, la Prusse obtint la place de Sarrelouis, les Pays-Bas celles de Philippeville et