Lord Castlereagh et la politique extérieur de l'Angleterre de 1812 à 1822

LORD CASTLEREAGH ET LA SECONDE RESTAURATION. 63

maintien du roi de Saxe, uni de très près par les liens du sang à la maison de France : pour sauver le roi de Saxe, il fallait nécessairement se mettre en lutte ouverte avec la Russie et la Prusse, et le concours ou du moins l’assentiment de l'Angleterre et de l'Autriche était indispensable pour renverser Murat.

Le cabinet des Tuileries se montrait donc disposé à concerter son action avec celle de l'Angleterre, et M. de Talleyrand prit même à cet égard l'initiative. Le gouvernement britannique ne pouvait manquer de se prêter à ces avances. On se tromperait pourtant si l’on pensait qu'il y porta de prime-abord un très grand empressement. Comme l'explique très bien une longue dépêche de lord Castlereagh au duc de Wellington, c’est pour ainsi dire en désespoir de cause qu'il se résigna à ce moyen d’opposer aux exigences ambitieuses de la Russie des obstacles suffisamment efficaces; il eût préféré, pour * contenir à la fois, au besoin, la France et la Russie, une ligue intermédiaire formée de l'Autriche, de la Prusse, des'états secondaires de l'Allemagne et des Pays-Bas avec l'appui de l’Angleterre. Le cabinet de Berlin n’ayant pas voulu se séparer de celui de Saint-Pétersbourg, il avait bien fallu accepter, rechercher même le concours de la France; « mais, disait lord Castlereagh, c’est affaire de nécessité et non de choix. Ge système prête à de très fortes objections, particulièrement au point de vue des intérêts anglais. En premier lieu, il semble difficile de le cimenter solidement, à raison de la jalousie fondamentale qui existe entre l'Autriche et la France, surtout par rapport à la prépondérance en Italie. Il rend les Pays-Bas dépendans pour leur sûreté de l’appui du gouvernement français, au lieu d’avoir à compter sur la Prusse et sur les états de l'Allemagne septentrionale, leurs défenseurs naturels. Enfin il a cet inconvénient, qu’en cas de guerre tous les territoires récemment cédés par la France, devenant probablement le théâtre des hostilités, seraient occupés par ses armées. » De ces considérations, lord Castlereagh tirait la conséquence que l'Angleterre ne devait pas mettre tout son enjeu sur l'alliance de la France, et que, tout en essayant de ménager sa bonne volonté, il fallait travailler à unir l'Allemagne entière contre la Russie. Il ne voulait donc pas renoncer à l'espérance de regagner la Prusse, dont l'adhésion, en isolant le cabinet de Saint-Pétersbourg, l’eût réduit à la nécessité d'abandonner ses prétentions, et, d’un autre côté, eût mis en sûreté le royaume des Pays-Bas, plus ou moins compromis par une combinaison formée un peu en dehors de la ligne naturelle des intérêts politiques. Lord Castlereagh aurait même volontiers sacrifié le roi de Saxe pour se concilier le cabinet de Berlin; mais, sur ce point, il rencontrait de la part de la France une résistance d’autant plus prononcée que, comme on peut le croire, le cabinet des