Lord Castlereagh et la politique extérieur de l'Angleterre de 1812 à 1822

(1 LORD CASTLEREAGH ET LA SECONDE RESTAURATION.

Tuileries ne mettait pas le même prix que l'Angleterre à une complète union des puissances allemandes.

En résumé, la principale différence qui existait entre les vues du gouvernement français et celles du gouvernement britannique, c’est que ce dernier avait pour unique but de s'opposer aux agrandissemens excessifs de la Russie, et désirait d’ailleurs resserrer les liens de l'union allemande, fût-ce au prix de l'abandon de la Saxe, tandis que la France, tout en désirant aussi contenir la Russie, voulait surtout sauver la Saxe et détrôner Murat, et ne tenait en aucune façon à rendre plus intime l'accord des états allemands. Lord Castlereagh reprochait donc à M. de Talleyrand de subordonner à des questions de détail la grande question de l'équilibre européen. Tout homme d’état voit la garantie de cet équilibre dans les arrangemens qui s'adaptent le mieux à sa propre politique.

Il y avait encore entre les deux cours un dissentiment qui s’explique par la différence de leurs situations. La France, pressée de sortir de l'isolement où l'avaient réduite les événemens des dernières années, eût voulu proclamer bien haut l'espèce d'alliance qui s’établissait entre elle et l'Angleterre, et par conséquent la rupture définitive de la coalition qui l'avait placée dans cet isolement. Le cabinet de Londres ne partageait pas son empressement. Lord Castlereagh, répondant au duc de Wellington qui l'avait informé des dispositions manifestées par le ministre français, lui disait :

« Si M. de Talleyrand veut que nous fassions quelque chose de. bon, il ne doit pas s'attendre à ce que nous nous séparions de nos anciennes liaisons au milieu de notre concert. S'il désire faire de notre influence une utile barrière contre de téméraires projets et des prétentions mal fondées, quelque part qu'ils existent, il doit me permettre d'y travailler sans faire violence à des habitudes établies dans des circonstances auxquelles nous devons le bonheur d’avoir en France un gouvernement avec qui nous nous senions en COMmunauté de vues politiques et d'intérêts. Si l’on croit la chose désirable, je suis tout disposé, avant de me rendre à Vienne, à aller conférer avec lui à Paris. mais il ne doit pas penser que je puisse mañquer à la promesse que j'ai faite de me rencontrer à Vienne avec mes anciens collègues vers le 10 septembre, et il ne doit pas interpréter défavorablement les conférences préliminaires que j'aurai avec eux sur un système résultant d’engagemens pris bien longtemps avant qu'il nous fût possible de compter le gouvernement français au nombre de nos amis.

En réalité, l'Angleterre ne voulait se lier au gouvernement français qu'après s'être bien assurée qu’elle avait absolument besoin de son concours pour arriver à ses fins, et la France au contraire voulait hâter autant que possible un rapprochement qui était pour elle le moyen de reprendre rang parmi les grandes puissances. Tout en