Lord Castlereagh et la politique extérieur de l'Angleterre de 1812 à 1822

LORD CASTLEREAGH ET LA COALITION EUROPÉENNE. ni)

que plus qu'aucun autre il fût privé du talent de la parole et que son élocution fût parfois même empreinte d’une ridicule bizarrerie, son grand air, sa bonne grâce, son habileté à manier les esprits et sans doute aussi les immenses avantages que l'Angleterre recueillit, sous son administration, de la direction vigoureuse imprimée à la politique extérieure, lui avaient donné dans la chambre des communes un ascendant, une autorité qui ont été rarement égalés. Il est probable néanmoins que, s’il eût vécu quelques années de plus, cette haute position ne se serait pas maintenue intacte. L’expérience a assez prouvé que le souvenir des plus grands services ne suffit pas pour protéger un gouvernement engagé dans des voies qui ne sont pas ou qui ne sont plus celles de l'opinion publique, et telle était incontestablement, au moment de sa mort, la situation du ministère tory. Lord Castlereagh s'était trop complétement associé aux actes et aux principes de ce ministère, même dans ce qu'ils avaient de moins facile à justifier, il y avait concouru avec trop peu de scrupule, pour qu’il lui fût possible de se dégager de cette solidarité que d’ailleurs il ne pensait nullement à décliner. Enfin, ce qui avait longtemps fait sa force, ce qui, aux yeux de la postérité éclairée, constituera son véritable titre de gloire, les actes diplomatiques auxquels il avait attaché son nom commencaient, par un revirement singulier, à devenir pour lui une cause de faiblesse et d'embarras; on trouvait qu’à force de vivre sur le continent au milieu des rois absolus et de leurs ministres, il avait fini par perdre le sentiment de la politique purement anglaise, de cette politique habile, circonspecte et énergique tout à la fois, égoïste si l’on veut, qui, tenant compte de la position géographiquement isolée de la GrandeBretagne, avait pour principe de n’intervenir que là où les intérêts du pays étaient directement ou indirectement engagés d’une manière sérieuse, et de ne pas se préoccuper des périls, des compromissions qui ne regardaient que les autres états. On l’accusait d’avoir contracté, dans ce commerce habituel avec des souverains et des hommes d'état pour la plupart assez hostiles à la liberté, des penchans peu compatibles avec les devoirs et les convenances imposés à un ministre anglais, même à un ministre tory.

Ces accusations, ces imputations, je ne prétends pas les apprécier ici : il me suffit de constater que, du vivant même de lord Castlereagh, une opinion puissante ne les lui épargnait pas, et que depuis cette opinion à paru prévaloir en Angleterre. Si je ne me trompe, l'examen raisonné des actes de sa politique, tels qu'ils ressortent de sa correspondance récemment publiée (1), doit disposer les esprits à le

(4) La publication de cette correspondance vient d’être terminée en Angleterre, Les