Lord Castlereagh et la politique extérieur de l'Angleterre de 1812 à 1822

LORD CASTLEREAGH ET LA SECONDE RESTAURATION. 87

La conduite du duc de Wellington dans cette grande crise lui fait beaucoup d'honneur. J'ai déjà dit que la restauration des Bourbons avait été l’objet constant de ses vœux, parce qu’il y voyait le seul moyen de rendre la paix à la France et à l’Europe. Il comprit, avec la droiture d'esprit qui le distinguait, que cette restauration, pour avoir des chances de solidité, devait avoir lieu dans des conditions de modération et de sagesse, qu’elle ne devait pas se lier à de trop pénibles souvenirs, et qu'autant que possible il fallait qu’elle parût l'œuvre des Français eux-mêmes. Tous ses actes furent dirigés dans ce sens. Au moment où Louis XVIII mettait le pied sur le territoire français, une rupture avait éclaté parmi ses conseillers. M. de Talleyrand, et avec lui les représentans des idées modérées et des intérêts nouveaux, s'étaient retirés devant l'influence de M. de Blacas et des émigrés. L'intervention du duc de Wellington eut beaucoup de part au revirement qui, avant même que le roi ne fût arrivé à Paris, reporta M. de Talleyrand à la tête du conseil et relégua M. de Blacas dans l'honorable exil d’une ambassade, D'un autre côté, lorsque le duc reçut les commissaires envoyés par le gouvernement provisoire pour lui demander la suspension d’armes qui précéda la reddition de Paris, il s’attacha à leur faire comprendre, tout . en leur déclarant qu’il leur parlait comme individu et sans y être officiellement autorisé, que le meilleur moyen qu’eussent les dépositaires du pouvoir de gagner la confiance de l’Europe, c'était de rappeler le roi sans condition avant qu’on ne pût considérer ce rappel comme le résultat des exigences de l'étranger. Il leur dit que tout autre prince appelé au trône de France, quel que fût son rang et sa qualité, serait un usurpateur; qu’obligé pour s’affermir de distraire les esprits par de grandes entreprises, il n’offrirait pas aux puissances des garanties suffisantes de paix, en sorte qu’elles seraient obligées de lui imposer des conditions plus rigoureuses qu'au souverain légitime. Mettant sous leurs yeux la proclamation que Louis XVIII venaït de publier à Cambrai, il s’efforca d'en faire ressortir la preuve des intentions constitutionnelles et clémentes dont ce prince était animé. Les commissaires parurent comprendre la force de ces considérations; mais la majorité révolutionnaire, qui avait fini par prendre dans la chambre des représentans un ascendant décisif, était peu disposée à écouter de tels avis. Le duc de Wellington, pour les faire prévaloir, dut se concerter avec un homme que les circonstances avaient malheureusement placé alors en situation d'exercer une grande influence, avec Fouché, qui, ministre de Napoléon, avait contribué après la bataille de Waterloo à le renverser, s'était fait nommer chef du gouvernement provisoire, et n’avait gn ce moment d'autre pensée que de se ménager la faveur des Bour-