Lord Castlereagh et la politique extérieur de l'Angleterre de 1812 à 1822

90 LORD CASTLEREAGH ET LA SECONDE RESTAURATION.

teux et affreux désordre, et qu'aucune armée ne pourrait subsister, si une telle conduite était soufferte. — On peut juger de l’exaspération que le duc éprouva en apprenant quelque temps après que des soldats d’une brigade de cavalerie anglaise stationnée à Beauvais, cédant à la contagion générale, s’étaient mis à voler sur le grand chemin. Il est juste de dire que les troupes britanniques se donnèrent bien rarement des torts de cette nature, et qu’il en fut toujours fait une rigoureuse justice.

Tandis que le nord et l’est de la France étaient ainsi traités par les alliés, les départemens du midi se voyaient livrés aux sanglans excès d'une réaction royaliste, et en quelques endroits les autorités furent réduites à demander qu’on y envoyât aussi des forces étrangères pour leur prêter main-forte. Le gouvernement français, forcé de licencier l'armée, dont les puissances exigeaient la dissolution et sur laquelle d’ailleurs il ne lui était plus permis de compter après l'épreuve du 20 mars, se trouvait dans une impossibilité égale de maintenir l’ordre intérieur et d’opposer une résistance tant soit peu énergique aux sacrifices que la coalition s’apprêtait à lui demander.

Les alliés, après leur victoire, avaierit promptement oublié leurs déclarations tant de fois répétées, qu’ils ne faisaient pas la guerre à la France, que Napoléon était leur seul ennemi, qu’ils ne voulaient que son éloignement. L'idée de démembrer notre territoire, de nous enlever la première ligne de nos forteresses sous prétexte que, malgré la perte de toutes nos conquêtes, nous étions encore trop redoutables pour nos voisins, ne tarda pas à être mise en avant par plusieurs des cabinets confédérés. La Prusse et les Pays-Bas, qui, par leur position topographique, eussent été principalement appelés à recueillir nos dépouilles, se prononcèrent surtout dans ce sens avec beaucoup de vivacité, L’Autriche, qui n’y avait pas un intérêt aussi direct, mais dont la politique tendait naturellement à l’affaiblissement de la France, entrait aussi dans cette pensée, bien qu'avec moins d’ardeur. l’empereur Alexandre, par générosité comme par calcul, s’y montrait contraire, mais on ne retrouvait plus en lui, en faveur du gouvernement français, cette bienveillance chaleureuse dont on l'avait vu animé l’année précédente; il conservait un souvenir pénible de la répugnance que la maison de Bourbon avait témoignée à contracter avec lui une alliance de famille et de la ligne de conduite suivie au congrès de Vienne par M. de Talleyrand. Tant que ce ministre resta à la tête des conseils de Louis XVIII, les rapports des deux états eurent quelque chose de froid et de contraint; il fnt bientôt évident que, si Alexandre était bien décidé à ne pas laisser imposer à la France des conditions qui l’eussent fait disparaître du nombre des puissances de premier ordre, il n’était nullement disposé à