Lord Castlereagh et la politique extérieur de l'Angleterre de 1812 à 1822

92 LORD CASTLEREAGH ET LA SECONDE RESTAURATION.

Louis XVIII traduisait devant un conseil de guerre. Une insinuation fut même faite dans ce sens au marquis d’Osmond, ambassadeur de France, qui ne montra aucun empressement à s’en prévaloir.

Dans la pensée de lord Liverpool, la question du plus ou moins de rigueur des conditions du traité de paix que la France allait avoir à subir était étroitement liée à celle du degré de sévérité que le gouvernement de Louis XVIII déploierait contre les bonapartistes vaincus. « Qu'advient-il de Bonaparte ? écrivait-il à lord Castlereagh dès les premiers jours de juillet, lorsque Napoléon ne s'était pas encore rendu sur le Bellérophon; quel parti adoptera-t-on à l'égard de ceux qui l’ont aidé à reprendre son autorité? Que fera-t-on des armées françaises ? Si ces trois points ne peuvent être résolus d’une manière satisfaisante, la nation anglaise s’attendra, et justement, je pense, à obtenir d’autres garanties pour le maintien de la paix au moyen d’une amélioration de la frontière; elle se croira surtout en droit d'espérer qu'après les énormes dépenses que lui a coûtées le renouvellement de la guerre, après tout le sang précieux qu’elle y a versé, on ne se dessaisira pas de la main mise que nous avons à présent sur la France jusqu’à l'entière conclusion des arrangemens jugés nécessaires pour établir un état de choses satisfaisant. »

Quelques jours plus tard, lord Liverpool insistait sur ces idées en termes plus pressans : « Plus je considère, disait-il, la situation intérieure de la France et le peu de chances de sécurité qui résulte pour l'Europe du caractère et de la force de son gouvernement, plus je suis convaincu que nous devons chercher notre sûreté... dans l’affaiblissement de la puissance française. Gette opinion gagne rapidement du terrain, et... toute paix qui laisserait la France telle que l'avait faite le traité de Paris ou mème telle qu’elle était avant la révolution causerait ici une très pénible surprise. » Le 15 juillet, revenant de nouveau sur le peu de solidité du gouvernement que lon venait de rétablir en France, lord Liverpool en tirait encore une fois cette conclusion :

« Nous devons donc penser à nous procurer d’autres sûretés, et nous serions indignes de pardon, si nous quittions la France sans avoir pourvu, par une bonne frontière, à la protection des pays limitrophes. L'idée qui domine ici, c’est que nous sommes parfaitement en droit de nous prévaloir des conjonctures pour enlever à la France les principales conquêtes de Louis XIV. On dit, non sans raison, que la France ne pardonnera jamais l’humiliation qu’elle a subie, qu’elle saisira la première occasion d’essayer de rétablir sa gloire militaire, et que par conséquent notre devoir est de prendre avantage du moment actuel pour prévenir les dangereuses conséquences qui pourraient découler de la grandeur même de nos succès. Il a pu être à propos, l’année dernière, d'essayer les effets d’une politique plus magnanime; mais ses ré-