Lord Castlereagh et la politique extérieur de l'Angleterre de 1812 à 1822

LORD CASTLEREAGH ET LA SECONDE RESTAURATION. 93

sultats nous ont complétement décus, et nous nous devons à nous-mêmes de pourvoir le mieux possible à notre sûreté. »

Bientôt cependant le premier lord de la trésorerie put entrevoir qu’il serait difficile de donner au traité de paix des bases aussi dures; mais bien qu'il admiît la possibilité de quelque tempérament fondé - sur le démantèlement ou l'occupation prolongée de nos places fortes, il était loin, le 26 juillet, d’avoir entièrement renoncé à ses premiers projets. — L'empereur de Russie, disait-il, veut s’ériger en protecteur de la nation française, cela se conçoit; mais il est tout aussi naturel que les états limitrophes de la France pensent à restreindre son territoire pour se mettre à l'abri de ses attaques, et il doit avoir égard à leurs intérêts. « Une idée bien établie parmi nous, c’est que le maintien de l'autorité et du gouvernement du roi de France après la retraite des troupes alliées est très problématique, et s’il venait alors à être renversé, s’il était remplacé par un gouvernement jacobin ou révolutionnaire, que penserait-on de ceux qui, ayant la France à leur merci, l’auraient laissée avec tout son territoire, enrichie du pillage de l'Italie, de l'Allemagne, de la Flandre, et n’auraient songé à donner aucune garantie au reste de l'Europe? »

Apprenant, un peu plus tard, que l'Autriche et la Prusse persistaient à exiger de la France des cessions territoriales, lord Liverpool écrivait, le 11 août, qu’il ne fallait pas oublier que ces deux puissances avaient plus d'intérêts communs avec la Grande-Bretagne que le cabinet de Saint-Pétersbourg. — Une idée qui revient souvent dans sa correspondance, c’est qu'il importe d’en finir promptement, avant que le peuple français se réveille de l'abattement où il est tombé; c’est que si on laissait à la nouvelle chambre des députés convoquée par Louis XVIII le temps de se réunir, elle pourrait donner un point d'appui au gouvernement et à la nation pour repousser les demandes de la coalition. Dans un mémoire annexé à cette correspondance, il'est dit que sans doute, si la France eût répondu à l'appel qu'on lui avait fait en l’invitant à secouer le joug de l’usurpateur, on ne serait pas en mesure de lui appliquer le droit de conquête, mais que Napoléon n'ayant succombé que sous les coups des alliés, ceux-ci pouvaient sans scrupule exiger, dans l'intérêt de leur sûreté, tout ce que permettait une politique prudente.

Tels étaient les argumens inspirés à de médiocres hommes d'état par l’effroi qu'ils éprouvaient encore en présence d’un grand peuple accablé sous le poids des plus terribles désastres, foulé aux pieds par un million de soldats étrangers, et livré, pour surcroît de malheur, à de sanglantes dissensions civiles. A ces sophismes de la peur et de la haine, lord Castlereagh, moins absorbé dans les passions et les préoccupations du moment, opposait des conseils de modération qu'il