Louis XVI et la Révolution

LA CONSTITUANTE. 189

plaisaient à opposer au pouvoir de l’Assemblée, qu'ils prétendaient usurpé, la toute-puissance du pays, représenté par ses cahiers. Le clergé surtout, habitué par sa profession à discuter à coups d’autorités, aime à citer ces nouveaux Pères de l'Église. Faut-il essayer de prouver que le catholicisme doit être la religion de l’État? Un prélat invoque les cahiers. Faut-il repousser la généreuse proposition de donner l'égalité civile aux juifs? L’évêèque de Nancy, pour obéir à l’ordre de ses commettants, protesie, cahier en main. Il en est de même pour les intérêts matériels de l'Église. Un curé, trouvant que la Constituante n’est pas assez généreuse pour le bas clergé, réclame, le 17 juin 1790, au nom des cahiers : « Ouvrons-les, dit-il, nous y trouverons la réclamation des peuples en faveur de ces hommes qui travaillent sans cesse, qui portent le poids de la chaleur et du jour, de ces hommes toujours consolateurs, toujours bienfaisants, ministres d’un Dieu miséricordieux, et amis de tout homme souffrant ou égaré, etc. » Pour défendre les biens ecclésiastiques, un prêtre s'appuie surtout « sur les dispositions précises des six cahiers dont il est porteur ». C'est encore au nom des cahiers que le porte-parole du clergé, l'abbé Maury, réclame, le 19 avril 1790, la dissolution de l’Assemblée : plusieurs bailliages ayant limité les pouvoirs de leurs mandataires à une année, « nul de vous ne doit oublier son premier titre de député d’un bailliage, dit le subtil abbé. Si cette qualité indispensable ne nous appartient plus, nous sommes sans pouvoirs et sans mission. En matière de pouvoirs, il faut toujours remonter au titre : c’est donc à la seule autorité de nos cahiers que nous devons croire; c'est la seule volonté de nos commettants que nous devons interroger. » Même doctrine chez la noblesse. Pour repousser les demandes faites en faveur des juifs, le prince de Broglie s'appuie sur son mandat, qu'il considère. comme impératif. Pour défendre les droits féodaux, M. de Chabrol lit un des articles « impérieux » de son cahier. Enfin, pour réclamer la dissolution de

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