Louis XVI et la Révolution

LA CONSTITUANTE. 205

désignation des juges par le roi ou par le peuple : « Je presse les partisans de la nomination royale entre les deux branches de ce dilemme; de deux choses l’une : ou la nomination royale donnera au prince, c’est-à-dire aux courtisans et aux courtisanes.… (Il s’élève quelques murmures), c’est-à-dire à sa cour, de l'influence sur la justice, ou elle n’en donnera pas. » Suit tout un long développement des deux alternatives, applaudi avec transport. C’est encore le procédé qu’emploie Camus, le 2 juillet 1790, pour forcer le ministère à livrer la liste des pensions : « Ou cet état existe, ou il n'existe pas. S'il existe, comment est-il possible que nous n’en ayons pas eu communication? S'il n'existe pas, peut-on bien concevoir qu'il y ait une administration où l’on ne sait pas à qui l'on a prêté? » Mais ce genre d’argument est plus spécieux que sérieux. Le dilemme donne à la pensée l'apparence de la logique la plus rigoureuse, et pourtant il pèche souvent par inexactitude. De plus, l'argumentation logique exige des principes. Or une partie tout au moins de l’Assemblée n'aime pas les discussions théoriques, où l’on développe des axiomes politiques. C'est le côté gauche surtout qui prend les questions par ce côté. L'abbé d'Eymar commence ainsi, et très sérieusement, son discours du 44 avril 1790 : « Messieurs, vous nous avez habitués à traiter les grandes questions par principes, et ce ne sera pas une des moindres obligations que vous auront tous ceux qui, dans la suite, chercheront à s’éclairer dans la science du gouvernement. » Par une série de déductions, Garat le jeune en arrive à prouver que détruire le clergé est peut-être un acte de bienfaisance pour les individus qui le composent : « On n’a pas besoin de discussion philosophique », lui crie-t-on à droite. Même des esprits libres, comme Lally-Tollendal, finissent par protester contre le mot et la chose qui reviennent trop souvent; aux principes il oppose sa conscience : « Je le répète, ce mot, avec tranquillité, avec respect, parce qu'il est, plus sacré que celui de principes, dont on nous rebat si