Louis XVI et la Révolution

LA CONSTITUANTE. 213

lorsque le maire, Bailly, vient à la tribune défendre les droits de ses concitoyens à la reconnaissance de l’Assemblée, en disant : « C'est Paris qui a fait la Révolution, c’est Paris qui a assuré la Révolution. » La haine de Paris est la marque indiscutable de l'esprit rétrograde : c’est le signe distinctif et comme le mot de ralliement, pour tous les adversaires du progrès, pour tous les esprits étroits. Or les représentants de la noblesse manquent généralement de largeur d'idées. Ils ne comprennent pas le rôle plein de grandeur pour eux et d'utilité pour la France qu’ils pourraient jouer. C'est à des sourds que Lally s'adresse, quand il leur trace ce programme grandiose qu'ils devraient remplir dans la Révolution : « Je crois fermement, dit-il le 24 juin 1789, qu’il ne tient qu'à la noblesse de S'y assigner une place d'honneur, de s’y couvrir d’une gloire plus brillante peut-être que toute celle qu’elle a jamais recueillie, de s’y inscrire pour jamais comme bienfaitrice de la nation. » Si parfois l'aristocratie semble entraînée par l'enthousiasme de la Constituante, si elle paraît à certains moments oublier son égoïsme invétéré pour faire à la nation des sacrifices salutaires, vite elle revient à résipiscence. Le meilleur commentaire de son rôle dans la nuit du 4 août, c’est l'étude des séances qui suivent, où, reprenant leur sang-froid, les nobles essayent de réparer l'irréparable; c’est ce bruit répandu par les intéressés, que l’Assemblée était ivre cette nuit-là, d’après le témoignage de Chateaubriand dans son Essai sur les révolutions : il cite une loi d'Athènes : « Que le magistrat qui se montre en état d'ivresse aux yeux du peuple, soit à l'instant mis à mort »; puis il ajoute : « Ces décrets-là n'étaient pas faits pour la France; que fut devenue, sous un pareil arrêt, toute l’Assemblée constituante, dans la nuit du 4 août 1789? » C’est enfin le jugement que porte sur cette séance un député de la noblesse de Saumur, le marquis de Ferrières : « Ce fut entourée des cadavres des nobles massacrés, à la lueur des flammes qui consumaient leurs châteaux, que l’Assemblée prononça les