Mémoire sur la Bastille

232 MÉMOIRES SUR LA BASTILLE

Ces promotions soudaines, on le savoit, ne devoient être que passagères; elles enflammoient néanmoins tous les esprits. On n’étoit pas plus tôt nommé qu’on demandoit des ordres, qu’on vouloit sans délai marcher à l’ennemi ; et cette impatience avoit aussi ses risques.

Quant à M. de La Barthe, M. Moreau de SaintMéry, notre président, lui offrit une épée, en lui disant : « C’est la patrie qui vous la donne. » Il la baise, cette épée, il la mouille de ses larmes, et jure, au nom de ses compagnons, de vaincre ou de mourir. Ils en disoient tous autant, et l’on sentoit que leurs sermens venoient du cœur.

Cependant une jeunesse bouillante, effrénée, faisoit, au Palais-Royal, des motions dont la plupart sont restées sans effet : elle proscrivoit des ministres, des gens en place, et vouloit mettre jusqu’à des bustes au carcant. « Que tardonsnous? dirent quelques-uns ; allons délivrer les quatre nations, insolemment enchaînées aux pieds d’un monarque aussi vain que superbe; brisons leurs fers, que le bronze même devienne libre, et

relation qu’il fit de sa prise... » Ce point si curieux est mis en pleine lumière par M. Ch.-L. Chassin, ou». cité, t. III, P. 578 sq.

1. Ils en avoient désigné plusieurs : ce qui prouve bien qu’il n’est pas trop sûr de se laisser, de son vivant, décerner des bustes, ériger des statues; mais je reviendrai sur cet article. (Dusaulx,)