Mémoire sur la Bastille

XXIV PRÉFACE

une touchante reconnaissance gastronomique *. Manuel ne la maudit qu’une fois tombée. Bref, les gens de lettres semblent s'être donné le mot pour ne pas dire de mal de la Bastille, surtout dure aux gens du commun, Mais, pour la postérité, la voix aigre de Linguet a percé et dominé ce concert de louanges.

OC

« Il est probable, écrivait Mallet du Pan en 1799, que la génération nouvelle ignorera Jusqu'au nom de Linguet. » De la part d’un ancien ami, d’un ancien collaborateur, le pronostic est un peu dur : avouons cependant que, sans les MÉMOIRES SUR LA BASTILLE, il se serait accompli. De nos jours, il est vrai, notre spirituel Charles Monselet a bien accordé à SimonNicolas-Henri Linguet la première place parmi les Oubliés et dédaignés; mais, s’il a voulu le tirer de l’oubli, il ne l’a point vengé d’un dédain qui ceriainement n’est pas juste. Il a traité un peu en caricature, il a fait un « bohème » d’un homme qui ne remuait pas seulement les idées, mais les écus. Dès le début, il loue son héros de ne pas s’être affu-

1. Voyez, dans la Revue bleue (13 juillet 1889), le piquant article de M. Funck-Brentano. Les citations sont probantes, mais les auteurs qui vivaient en France avaient intérêt à ménager la Bastille, pour en être ménagés. Les Spartiates sacrifiaient à la peur.