Mémoire sur la Bastille

L'ŒUVRE DES SEPT JOURS 235

des quatre points du globe; de sorte que nous avions pour ainsi dire entre nos mains les secrets de l’univers : ils étoient enfin entre des mains fidèles, et l’on ne sauroit nous reprocher d’en avoir volontairement abusé.

Des bruits se répandent que l’on a, pendant la nuit, entendu autour de la Bastille des voix plaintives, de sourds gémissemens; que l’on parle de cachots secrets, de mines pratiquées pour faire sauter la forteresse à volonté. On ajoute que de longs souterrains, par où l’on pouvoit introduire des troupes, ont diverses issues qui répondent à la campagne.

Déjà le peuple et les patrouilles commençoient à se porter en foule à la Bastille. Nous y envoyons deux hommes déterminés, et qui n'avoient pas craint le feu de cette place : MM. Rücart et Élie. Guidés par un invalide parfaitement instruit de toutes les sinuosités de cet affreux repaire, ils visitèrent jusqu'aux moindres recoins, en sondèrent les profondeurs. Ils ne trouvèrent pas ce qu’ils cherchoient; mais ils découvrirent bien plus qu’on n’en avoit supposé, car ce n’est pas un conte que ce cachot fangeux, et si fétide que l’on s’y trouvoit mal.

Tout Paris a pu le voir, et j’y suis descendu le lendemain. Du centre d’une énorme pierre placée au milieu de ce cachot partoit une grosse chaîne