Mémoire sur la Bastille

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propre à retenir, non pas seulement un homme, mais tel monstre que l’on puisse imaginer. Également indignés, nos deux députés font arracher cette chaîne, font démonter, briser les doubles, les triples portes, scier les bascules des ponts-levis ; en un mot, ils font tout ce qu’il étoit possible de faire en peu de temps. Digne et sainte expédition!

Grande nouvelle ! on nous apprit que le roi, de son propre mouvement, s’étoit rendu à l’Assemblée nationale pour y annoncer qu’il avoit congédié ses troupes, que cette auguste assemblée, par un élan vraiment patriotique et voulant se confondre avec nous, alloit nous envoyer cent députés2.

Ils arrivent, nous les recevons avec transport, et ils nous prodiguent les noms les plus tendres, les doux noms de frères. Voilà les vrais honneurs! désormais nous n’en voulons pas d’autres.

Vingt orateurs, que la chute de la Bastille nous avoit amenés, firent entendre leurs éloquentes voix3. L’archevêque de Paris, saisi du même enthousiasme, se lève et vote un Te Deum, qui fut, après

1. Journal de la Compagnie des citoyens arquebusiers royaux de la Ville de Paris sur la révolution actuelle, (Dusaulx.) 2. La première nouvelle fut portée par Ch.-Jos. Piquais ; la seconde par Lavenue, député de Bazas.

3. Les principaux furent La Fayette, Bailly, Mgr de Juigné, archevêque de Paris, Sieyès, Clermont-Tonnerre, Lally-Tolendal, Moreau de Saint-Méry.