Mémoire sur la Bastille

XXVI PRÉFACE

Né à Reims le 14 juillet 1736, fils d’un professeur disgracié pour jansénisme, il fit, comme boursier, de brillantes humanités au collège de Beauvais, étudia quelque temps avec Perronet les mathématiques appliquées au génie civil, courut le monde comme secrétaire du duc de Deux-Ponts, puis du prince de Beauvau, et revint à Paris après s’être fait des ennemis de ses premiers protecteurs. Repoussé, malgré ses avances, par le parti philosophique (entre autres par d’Alembert, qui reçut plus que froidement sa candidature au moins prématurée à l’Académie française), doué d'une faculté d’assimilation non moins dangereuse qu’exiraordinaire, il quitta les graves travaux historiques dans lesquels il s’était engagé, lança contre les encyclopédistes, en guise de fièche du Parthe, son FANATISME DES PHILOSOPHES, et dès lors entra dans la mélée pour n’en plus sortir.

Cependant, comme la fortune ne lui souriait guère, — malgré une ardeur de travail que l’on pourrait qualifier de bénédictine si elle eût été moins égoïste, — Linguet prit un métier, sur les instances « impérieuses » de son aïeule. Il avait à soutenir ses frères et sœurs, orphelins. Îl se fit avocat, « bien qu’il n’estimât point ce mélier; mais mieux vaudrait être cuisinier riche que savant pauvre et inconnu ».

Ce n’est pas sans peine qu’il obtint l'inscription au barreau de Paris. Comme il était besogneux , il courait de méchantes histoires sur son compie, des