Mémoire sur la Bastille

LINGUET 5

la reprise de mon travail et ma rentrée dans ma pénible carrière.

Les deux premiers articles semblent m'être purement personnels, et n’intéresser que moi. On verra qu’ils sont liés inséparablement avec le troisième, et qu’ils en font une partie essentielle. Ils forment ensemble un cours d’oppression, un enchaînement d’iniquités et de douleurs, dont assurément il y a bien peu d'exemples depuis l’histoire de Job.

D'ailleurs serois-je digne de traiter le dernier, si je ne commençois par éclaircir les deux autres ? Si je n’étois qu’un transfuge affamé de vengeance ou un coupable flétri du pardon, quel poids auroient mes réclamations?

Mais, après avoir vu les preuves de mon innocence, on sera plus vivement frappé du tableau des horreurs dont elle n’a pu me préserver : l’'intérêt augmentera encore, si l’on pense que, ces horreurs, il n’y a point de Français ni d’étranger, de ceux qui voyagent en France, qui puisse s’assurer de ne les éprouver jamais. Les bastilles françoises ont dévoré, elles dévorent journellement des hommes de tous les rangs et de toutes les nations : on pourroit graver sur les avenues de ces gouffres (1) l’avis adressé aux passans sur la porte de quelques cimetières : Hodie mihi, cras tibi.

Qui peut en effet se promettre d’éviter un sort