Mémoire sur la Bastille

6 MÉMOIRES SUR LA BASTILLE

dont la qualité d’héritier présomptif de la couronne n’a pu garantir un Louis XII; ni des lauriers accumulés, un Condé(2), un Luxembourg ; ni les vertus ou la science, un Sacy, et tant d’autres; ni la marque des compagnies de robe, un Pucelle; ni les plus importans services, un La Bourdonnais; ni le droit des gens, tant d’Anglois, d’Allemands, d’Italiens, etc., dont les noms, sculptés par la rage de l’ennui sur ces funestes murs, y forment de toutes parts une espèce de géographie aussi variée qu’effrayante ? C’est donc, pour ainsi dire, le caractère d’une épidémie redoutable à tout le genre humain que je vais déterminer ici. Malgré la prodigieuse quantité de témoins qui ont involontairement visité ces abîmes, les détails intérieurs en sont très peu connus : les Mémoires de La Porte, de Gourville, de Mme de Staal, n’en apprennent presque rien; du moins de ce qu’ils disent il ne résulte que la preuve d’un fait inconcevable : c’est que, de leur temps, ce Tartareétoit une espèce de Champs Élysées auprès de ce qu’il est aujourd’hui t,

1. C'était moins une question d'époque, à coup sûr, que d'individus ou de circonstances. Dans sa note 3, Linguet marque le plus profond mépris pour l'ouvrage intitulé : l’Inquisition françoise, ou l'Histoire de la Bastille, par M. Constantin de Renneville (Amsterdam et Leyde, 1724, 4 vol. in-12). Au point de vue du goût, il n’a pas tort. Mais de Renneville est un témoin et une victime; il a passé