Mémoires du général Baron Roch Godart (1792-1815)

62 MÉMOIRES DU GÉNÉRAL GODART

ciers qui se trouvaient dans ma chambre me regardaient sans savoir que dire ni penser d'un événement aussi inattendu. Cette nouvelle s'étant aussitôt répandue dans Corfou, c'était à qui viendrait me féliciter d’avoir conçu et réussi à exécuter le projet aussi simple que hardi de purger en peu de temps leur pays, sans la moindre eftusion de sang. M. le général gouverneur, toutes les administrations en corps et les principaux habitants me complimentèrent'. J'étais enfin regardé comme le héros de l’île; chacun voulait savoir mon nom et demandait à me voir.

Le plaisir que j'éprouvai d’avoir rendu ce service aux tranquilles habitants de Corfou fut ma seule récompense, et me dédommagea amplement de l'opinion défavorable et des craintes que les apparences de ma conduite leur avaient d'abord inspirées.

Je fis donner un congé au sous-officier qui m'avait été fidèle, et je le renvoyai à Toulon, satisfait.

Après cette bonne expédition, une autre affaire attira toute mon attention.

Le gouvernement français fit l’envoi à Coriou d’une somme de 200,000 francs, pour servir à payer trois mois de solde aux troupes, et à l’approvisionnement de la place. Il était arrivé, en même temps, un payeur, un inspecteur des vivres et un garde-magasin ?.

* Ces marques de gratitude sont à ajouter au témoignage rendu à la bonne tenue, à la modération, à la conduite conciliante des Français à Corfou, par des écrivains de toute nation, et en particulier par lltalien Botta, peu indulgent pour la France. 11 déclare que Corfou jouit alors d'une sécurité qu'elle n'avait jamais connue; et la 79e est spécialement l'objet de ces éloges. Nulle part les Français ne répondirent mieux aux espérances que mettaient en eux les peuples depuis 1792, et qui, sur la côte voisine, inspiraient Rhigas et réveillaient Ja Grèce.

L'annexion des Sept Iles à la France par le traité de Campo-Formio fut proclamée par Gentili, le 14 brumaire (1er novembre),